COURRIERS DE LECTEURS DU JOURNAL L’AMI DU PEUPLE
EN 1789 - 1790
Rassemblés par Delphine Verdussen - 2016
La correspondance de lecteurs de L’Ami du Peuple dont sont transmis, ci-après, des extraits significatifs provient de la saisie faite à l’imprimerie de Marat, le 22 janvier 1790 (A.N. BB30 162).
Le relevé qui suit constitue un document unique sur les réactions à L’Ami du Peuple.
Laon, ce 16 novembre 1789
Monsieur,
Je reçois à l’instant sept numéros du journal auquel je désirais ardemment d’être abonné, je vous fais mes remerciements de votre exactitude, mais ma satisfaction est incomplète en ce que je vous avais prié dans ma première de m’envoyer tous les numéros dudit journal, c’est-à-dire depuis le numéro 1 jusqu’au numéro 28 et inclusivement ceux qui ont paru depuis que l’auteur a été mis en liberté. Et vous ne m’envoyez que les derniers. Je vous prie donc instamment, Monsieur, de vouloir bien me les faire passer au plus tôt, quand même ils ne feraient pas partie de ma souscription présente. Je vous enverrai passer le montant aussitôt la réception. Je vous prie de joindre un exemplaire de l’Offrande à la patrie. Nous avons la plus grande inquiétude du sort de l’auteur. Voilà plusieurs jours que son journal nous manque. Veuillez, Monsieur, m’honorer d’un mot de réponse et me dire s’il n’est pas encore détenu. Son sort intéresse tous les cœurs droits et les bons patriotes.
Ne m’oubliez pas, je vous prie, vous aurez part à ma reconnaissance et aux sentiments avec lesquels j’ai l’honneur d’être,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur
Signé, Quesnet
Montpellier, 18 novembre 1789
Monsieur,
Je me réjouis très fortement que l’Ami du Peuple continue son journal. Mais il est si intéressant qu’il y a tout à craindre qu’il ne survienne encore quelque entrave. Je voudrais bien être assez heureux pour recevoir de M. Marat lui-même un peu d’assurance à cet égard. Il me manque des numéros que je n’ai jamais reçus et que je réclame. Les voici: numéros 24-29-30-31-32-33-34. J’ai reçu seulement hier n° 35-11 novembre.
Il me paraît que vous êtes mal servi.
M. Bossange, rue de Noyer n°34, vous paiera mon abonnement en lui montrant ma lettre et je m’abonne tant que M.Marat écrira.
J’ai l’honneur d’être, Monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Signé, Fontanel
Il y a ici bien des gens à qui ce journal ne plaît pas, mais ce n’est pas aux patriotes légitimes
Paris, décembre 1789
Monsieur,
Je vous félicite en bon citoyen et personne ne vous a plus plaint que moi. Je n’ai point été abonné, néanmoins j’ai acheté vos premiers numéros jusqu’au n°28. Si vous voulez me les envoyer, nous commencerons notre abonnement depuis le n°28. La personne que vous chargerez de la perception de votre abonnement avec votre quittance, je la paierai.
Monsieur, votre serviteur très humble
Signé, Bournon
Au café du premier maire, n°41 sur le boulevard du Marché, porte Saint-Honoré. A Paris.
Belvès, ce 30 décembre 1789
Je m’abonne, Monsieur, pour votre journal à commencer du premier de l’an jusqu’à l’expiration des trois mois où je renouvellerai vraisemblablement mon abonnement. Je m’empresserai toujours de puiser chez vous les bons principes de la liberté. Vous êtes l’ami du peuple, vous réclamez ses droits sacrés, vous l’éclairez sur ses intérêts, voilà un travail digne d’un citoyen tel que vous. Voilà le plus noble emploi que vous puissiez faire de vos talents. Il vous méritera les hommages et la reconnaissance de ce peuple dont vous êtes l’ami et de tous ceux qui, comme vous, s’intéressent vivement à son bonheur.
J’ai l’honneur d’être, Monsieur, avec l’estime et l’attachement que l’on doit à un citoyen distingué par ses lumières comme par son patriotisme.
Votre très humble et très obéissant serviteur
Signé, Delsau fils
Châtillon-sur-Indre, ce 2 de l’an 1790
Monsieur,
Il m’est parvenu il y a environ deux mois un Prospectus qui annonçait des feuilles périodiques intitulées L’Ami du Peuple. Ayant perdu ce prospectus et ne me souvenant plus que du nom de l’auteur, je prends la liberté de l’interrompre dans ses occupations multipliées pour le prier de recevoir mon abonnement. J’espère que vous ne m’oublierez pas et que le bureau chargé de la distribution des numéros sera exact à me les faire passer à mesure qu’ils paraîtront. Je m’abonne pour trois mois à compter du premier janvier. Je vous prie de m’envoyer tous les numéros à dater de ce jour, vous obligerez celui qui est bien sincèrement
votre très humble serviteur,
Signé, Dubuisson
Chanoine à Chatillon-sur-Indre
Charleville, le 3 janvier 1790
J’ai reçu le 6 octobre 1789 les 26 premiers numéros de M. Marat, je n’ai point reçu les nos 27 et 28. Ensuite j’ai reçu les n° 29 jusqu’à 40. Je n’en ai point reçu depuis ce dernier numéro jusqu’au n°51, c’est-à-dire qu’il y a une [?] de dix numéros. J’ai reçu ensuite les nos 52, 53, 54, 55 et 56 le 24 novembre et depuis cette époque jusqu’au 30 décembre, je n’en ai point reçu. Je croyais M. Marat mort ou privé de sa liberté, mais je viens de voir le contraire en recevant le 2 janvier 1790, les numéros 82 et 83. Comme je serais bien aise d’avoir le complément de ses feuilles intitulées L’Ami du Peuple, je le prie de me faire passer les 35 numéros que je n’ai point reçus.
Signé, Hennequin
docteur en médecine à Charleville
Laon, du 3 janvier 1790
Monsieur,
J’ai l’honneur de vous prévenir que plusieurs particuliers de notre ville dont je suis du nombre ont souscrit pour votre journal qui est on ne peut plus intéressant et depuis environ un mois nous n’avons rien reçu. Toute notre appréhension était que vous ne fussiez inquiété de nouveau par les aristocrates qui ne veulent point qu’on mette à découvert leurs infâmes manœuvres, mais comme nous avons touché le premier janvier 2 numéros, savoir 82 et 83, il est à croire que votre journal a été intercepté à la poste, ce qui est cause que nous n’avons point touché les précédents numéros. Nous sommes prêts à souscrire de nouveau mais nous serions bien aise de toucher exactement et de savoir au juste pourquoi nous avons été si longtemps sans rien recevoir. Nous prenons, Monsieur, toute la part possible à ce qui vous regarde. Vous êtes un véritable patriote zélé défenseur de la patrie qui méritez les plus grands égards. Si vous voulez bien avoir la bonté de m’honorer d’une réponse, j’en ferai part aux souscripteurs.
J’ai l’honneur d’être votre très humble et très obéissant serviteur
Signé, Manelire, bourgeois, rue Saint-Martin à Laon
Saint-Dié le 4 janvier 1790
Abonnement pour l’Ami du Peuple de trois mois à commencer du 1er janvier 1790 jusqu’au 1er avril prochain. 12 livres
Votre silence, Monsieur, nous avait donné de nouvelles craintes sur la liberté de votre plume, mais les feuilles que nous avons reçues hier ont heureusement apporté le calme à nos inquiétudes et nous ont pleinement satisfait. C’est en conséquence que nous nous hâtons de vous annoncer le renouvellement de l’abonnement de notre cher Ami du Peuple que nous chérirons à jamais. C’est dans ces sentiments respectueux que je suis, Monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Signé, Noël
maître en chirurgie à Saint-Dié en Lorraine
Autun
Monsieur,
Il me serait impossible de vous peindre avec quelle joie j’ai reçu un paquet de vos numéros et j’ai vu avec plaisir cette joie se communiquer à tous les bons patriotes qui fréquentent mon cabinet. J’étais agité de la plus grande inquiétude depuis le 23 novembre qui est la date du dernier numéro que j’ai reçu de vous. Je m’attendais, de poste en poste, que quelqu’un de nos follicules me tirerait de cette inquiétude. Je crois qu’ils se sont tous entendus pour garder le plus profond silence sur votre compte. Il n’y a que les seules lettres du comte de B** qui en aient parlé une seule fois, voilà bien un mois, pour apprendre que vous étiez arrêté. Je dis en moi-même, c’est donc fait de la liberté puisqu’il n’est plus permis de dire des vérités. Qui est l’homme, me disais-je, qui osera remplacer Marat? Non, la charge n’est pas possible, quiconque en aurait le courage n’en aurait pas la capacité et personne n’est capable de remplacer Marat que Marat lui-même.
Je vois avec plaisir vous êtes devenu imprimeur de vos productions. Par ce moyen, nulle crainte pour vous arrêter dans cette partie, et je pense qu’aucune circonstance ne nous privera plus de cette production qui élève l’homme au-dessus de lui-même et fait trembler les despotes. Vous êtes pour le malheur de la France le seul homme qui ait osé attaquer la tête de l’hydre. Il faudrait pour le moins un homme comme vous par province et même par ville un peu considérable. Celle que j’habite est des trois quarts d’aristocratie, clergé, noblesse, privilégiés. Joint à 200 hommes de troupe, tout cela nous écrase. Affaissés sous le joug du maire et des échevins de cette ville, les habitants y sont mous, peu ou point instruits. Je fais tout mon possible pour les tirer de cette inertie. Tous les jours de poste, je leur fais lire gratis dans mon cabinet toutes les nouvelles que je fais venir. Vous croirez avec peine, Monsieur, combien cela a augmenté mes ennemis. Je dis augmenter car j’en avais beaucoup auparavant, car du moment que j’ai levé mon cabinet littéraire, le clergé et les robins ont lancé les foudres du Vatican sur moi. Mais ferme dans mes principes, intact pour la probité, je ne les ai jamais craints et les ai toujours défiés. Je fais en petit pour les Autunois ce que vous faites en grand pour toute l’Europe. Je suis dans ce moment dans la plus grande crainte. Nous sommes à la veille d’organiser nos municipalités... (la suite manque)
Lisieux, 9 janvier 1790
Monsieur,
Je suis peut-être un de vos premiers souscripteurs et sûrement un de vos plus zélés partisans. A ce titre, je regrette les interruptions fréquentes de vos feuilles. Au moment que vous m’invitez à un nouveau trimestre, il me manque 27 numéros, car je compte pour rien le Courrier de Paris, pour lequel je n’ai point entendu souscrire. Ce qui me surprend le plus, c’est que depuis votre retour à Paris, votre correspondance se trouve en retard et que votre travail de lundi et mercredi dernier ne me soit pas arrivé. J’espère que vous voudrez bien y donner ordre et me croire avec le plus sincère attachement, Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur
Signé, Lebret Dudezer
Verdun sur le Doux, 10 janvier 1790
Monsieur,
Personne ne prend un intérêt plus sensible que moi à la personne et aux feuilles de l’Ami du Peuple. J’ai écrit deux fois, avec précaution d’affranchir, à M. Dufour votre correspondant pour réclamer des numéros omis dans les envois du premier trimestre et aussi pour savoir les causes de la très longue suspension de l’ouvrage, qui m’a fait craindre pour l’auteur. Je n’ai reçu aucune réponse et je vous croyais totalement rebuté par les persécutions des ennemis de la patrie, lorsque je reçus la semaine dernière un grand nombre de numéros qui se sont succédé avec exactitude depuis cinq ordinaires. Vous annoncez, Monsieur, que vous remplacerez ceux qu’on n’a pas reçus.
J’ai l’honneur d’être avec une respectueuse considération, Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur
Signé, Panier
maire de la ville
Avallon, ce 12 janvier 1790
Vous parler de l’empressement avec lequel chaque envoi de votre journal était reçu ici, c’est vous dire quelle a été notre douleur de toutes les persécutions que vous ont fait éprouver les ennemis du bien public pour retarder et anéantir la publication de l’Ami du Peuple. Grâce à votre courage et à votre zèle patriotique, vous nous êtes rendu de nouveau et la cause publique recouvre un ardent défenseur.
Vous recevrez par cette même poste douze livres pour trois mois d’abonnement par continuation dont vous fixerez l’époque, attendu que le sieur Dufour ayant envoyé, de son mouvement une vingtaine de numéros du Courrier de Paris, il ne serait pas juste qu’ils ne comptassent pour rien dans l’abonnement du premier trimestre.
Tout ce dont je puis vous prier, c’est de m’envoyer aussitôt qu’il vous sera possible les numéros que je n’ai pas reçus qui sont le 42ème jusqu’au 53ème inclusivement et les numéros 58ème jusqu’au 71ème aussi inclusivement.
Je suis, Monsieur, avec tous les sentiments qu’inspire un zélé patriote,
votre très humble et très obéissant serviteur
Signé, Arthault, lieutenant civil
Au château de Faÿ, ce 15 janvier 1790
Monsieur,
En duplicata. J’ai l’honneur de vous dire que j’ai écrit aussi à M. Dufour afin de savoir quelles peuvent être les raisons qui me privent de recevoir votre journal. Les premiers jours de décembre, j’ai renouvelé un abonnement avec M.Dufour, quoique le mien ne fût point encore fini, dont sa lettre en date du huit décembre m’accuse la réception. Enfin j’ai, par le courrier du dimanche 3 janvier, les deux journaux des premiers jours de l’année et un paquet de ceux que l’on ne m’avait point envoyé dans la fin de décembre. Le mercredi suivant, j’ai reçu le journal du 3, 4, 5. Depuis, je ne reçois plus rien. Voilà donc trois courriers où votre journal me manque, ce qui forme dix jours. J’observe par celui du 5 qui est le dernier que vous prévenez les souscripteurs qui ont souscrit chez M. Dufour depuis le 12 décembre qu’ils retirent leur argent vu les formalités qu’il y a entre vous et lui. Je ne suis donc point dans ce cas puisque mon renouvellement est avant le huit. J’espère, Monsieur, que vous aurez égard à ma plainte. Ce n’est point le prix que je mets à la somme mais celui d’être instruit de ce qui se passe à Paris comme principal moteur de la Révolution, surtout quand on l’est par des hommes comme vous et aussi sincère que prévoyant. J’espère que je ne serai plus négligé, même que vous aurez assez de bonté pour me recommander à celui qui fait porter vos journaux à la poste de ne point m’oublier.
Je vous demande même la permission à mon premier voyage à Paris de trouver bon que j’aille vous en remercier. En revanche s’il y avait quelque chose qui dépende de moi dans ce pays, disposez de celui qui a l’honneur d’être avec la plus grande considération,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur
Signé, Dusart,
capitaine commandant la troupe nationale du marquisat de Faÿ
Saint-Valesy-sur-Somme, le 19 janvier 1790
Monsieur,
J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint une reconnaissance de la somme de 12 livres pour mon renouvellement d’abonnement à votre journal que vous voudrez bien en conséquence avoir la bonté de continuer de me faire parvenir à l’ordinaire.
Il paraît d’après la note mise au pied de l’un de vos numéros que l’on vous a assuré avoir suppléé à votre journal pendant l’instant que vous n’avez pu vous en occuper, par le Courrier de Paris. Je puis avoir l’honneur de vous assurer avec vérité n’avoir reçu que le seul numéro 40 du Courrier de Paris, et si tous vos autres abonnés n’ont pas été mieux servis, je doute qu’on puisse nous faire supporter aucun frais à cet égard.
J’ai l’honneur d’être avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Signé, Mallet Ducameau
Tous les bons patriotes sont indignés des tracasseries, pour ne rien dire de plus, qu’on vous a suscitées et qu’on continue à vous faire éprouver. Que n’y a-t-il dans chaque ville du royaume un Ami du peuple aussi courageux, aussi dévoué, aussi intrépide défenseur des bons principes que vous l’êtes, pour le bonheur du peuple et l’avancement de la régénération.
A Ay, près Epernay, le 6 août 1789
J’ai, Monsieur, bien des reproches à me faire d’avoir différé jusqu’ici à vous rendre compte du sort d’un petit panier de 12 bouteilles de vin de Champagne mousseux que je vous avais adressé il y a plus de 18 mois de la part de M. Mathieu Devienne de Sainte-Ménehould. La vérité, c’est que m’en étant informé à diverses reprises, sur l’avis que vous ne l’aviez pas reçu, j’ai appris que, faute par le voiturier d’avoir pu trouver votre demeure, ce panier avait été remis à la [?] où il est resté près d’un an. Le commissionnaire a marqué que pour empêcher qu’il ne fût enfin la proie des commis, il s’était déterminé à le retirer, qu’il l’avait bu et qu’il le paierait.
Voilà, Monsieur, pourquoi ce vin ne vous est pas parvenu. Je n’y sais de remède que de vous en envoyer de l’autre, et c’est ce qui sera fait dès que la saison le permettra, cela est convenu avec M. Mathieu.
J’ai l’honneur d’être très parfaitement, Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur
Signé, Jeanson