david MARA(T) 
(DAVID DE BOUDRY)
 

DAVID MARA(T) (DAVID DE BOUDRY) – 1756-1821



En 2011, l’article, rédigé par Charlotte Goëtz-Nothomb, est publié dans

«Les Français en Russie au siècle des Lumières - Dictionnaire des Français, Suisses, Wallons et autres francophones en Russie de Pierre le Grand à Paul Ier»

édité sous la direction de Anne Mezin et de Vladislav Rjeoutski

© Centre international d’Etudes du XVIIIe siècle, Ferney-Voltaire, tome II


En 2013, il est publié dans «Le Précepteur francophone en Europe - XVIIe-XIXe siècles» sous la direction de Vladislav Rjeoutski et d’Alexandre Tchoudinov, Paris

© L’Harmattan, collection Educations et sociétés, dirigée par Louis Marmoz,

chapitre 7, pp. 373-389, sous le titre


«De précepteur privé à professeur en titre à Tsarskoïe Selo :

Le parcours de David (Marat) De Boudry»


Les deux textes s’appuient sur le «Chantier Marat 8» des Editions POLE NORD, 2001

mais incluent des informations et des précisions, liées à une recherche continue sur le sujet. Le document qui suit insère les extraits de documents d’archives.


© POLENORDGROUP


Parmi les précepteurs qui furent appelés en Russie aux XVIIIe et XIXe siècles, une personnalité, née en Suisse en 1756, suscite un intérêt particulier. Ce pédagogue est connu en Russie sous le nom de David De Boudry mais, en réalité, son nom de naissance est David Mara. Il est l’un des frères de Jean-Paul Marat (1743-1793), médecin, homme de science, journaliste révolutionnaire et député à la Convention nationale.


Enfance et études

David Mara(t) - plus tard David De Boudry - est né en 1756 à Neuchâtel en Suisse, dans cette Principauté alors rattachée à la Prusse.


Le Samedi 21 février. Monsr Cartier a batizé David fils de Mr Jean Mara de Cagliari en Sardaigne et de Louise Cabrol. Parrain, Mr David Huguenin Conseiller d’Etat & Chancellier. Marraine Made Judith Ester Sandoz Sa Fême. [1]


Son père, connu surtout sous le nom de Jean Mara (1704-1783), était un prêtre mercédaire, né à Cagliari en Sardaigne. Enseignant apprécié, il avait mis sur pied à Bono, au cœur du pays, la première école de langue latine et belles-lettres, jamais implantée. L’initiative, pourtant très soutenue par la collectivité locale, se heurte à des rivalités et des marchandages. Juan Salvador Mara (la langue officielle en Sardaigne est l’espagnol) voit son projet miné par des taxations abusives, qu’il refuse de payer, ce qui entraîne des menaces sur sa personne. Elles l’engagent à émigrer à Genève en 1740 où, converti au calvinisme, il obtient rapidement, grâce à son niveau culturel, un statut de prosélyte (catholique converti au calvinisme) puis d’habitant. Sans négliger des activités comme précepteur, il prend le sage parti, possédant un don pour le dessin et une bonne connaissance des couleurs, de gagner sa vie dans l’indiennage - fabrication de cotonnades imprimées de motifs floraux et animaliers, d’inspiration indienne - alors en expansion en Suisse.


Le 19 mars 1741, il épouse Louise Cabrol, née à Genève, mais dont la famille protestante, originaire de Castres en France [2], a été contrainte d’émigrer. Neuf enfants naîtront de cette union stable. David Mara est le cinquième fils, après Jean-Paul, Henri, Pierre et Pierre Antoine Jean.

Comme son frère aîné, David Mara - à ce moment tous les membres de la famille portent ce nom sans le t - poursuit des études au collège de Neuchâtel et, lorsque la famille est de retour à Genève, il s’inscrit en Belles-Lettres à l’Académie, le 15 juin 1773 [3], entame des études supérieures de philosophie en 1775, puis de théologie en 1777. Il étudie également les belles-lettres, la physique et la géométrie. Son père, qui correspond avec le directeur de la Société Typographique de Neuchâtel, le «banneret» Frédéric-Samuel Ostervald, évoque ce parcours avec fierté.


Mon fils David est dans sa première année de Philosophie, et si l’amour paternel ne m’aveugle, il promet beaucoup, et il a la satisfaction d’être aimé de ses Professeurs. [4]


Natifs et étrangers à Genève

Les Mara ont vécu de longues années dans la Principauté, en particulier à Boudry, lieu de constitution de la famille, ce qui explique le nom choisi en Russie par David, même si cette ville n’est pas son lieu de naissance. Si les Mara reviennent à Genève en 1768, c’est dans l’espoir d’y trouver plus de stabilité et de meilleures perspectives d’avenir qu’à Neuchâtel, où des conflits sociaux et le départ de leur protecteur, le gouverneur George Keith [5], les fragilisent.


En avril 1781 - David vient d’avoir 25 ans - un édit, surnommé Edit bienfaisant, adopté pour améliorer le sort des Natifs [6], est remis en question par les patriciens qui dirigent la République. David, Natif de la troisième génération, est directement concerné par ce recul. S’ouvre alors une période de conflits. Neuf cents citoyens viennent réclamer l’application de l’édit, mais le Petit Conseil décide de s’en tenir au Règlement de Médiation de 1738. Le 8 avril 1781, a lieu un premier affrontement. Une «commission de sûreté» est mise en place pour assurer la tranquillité publique. Les troubles pourtant ne cessent pas et, à Fribourg en particulier, la situation est très tendue: à l’occasion de la Foire, les Natifs préparent une action d’envergure qui échoue suite à une trahison. Certains des leaders sont condamnés aux galères à vie et l’un d’eux, Castella, qui est parvenu à s’enfuir, sera condamné à mort par contumace et pendu en effigie. A Genève, par contre, le Conseil général promet d’écouter les «représentations» convenables et cherche l’apaisement.


Depuis son arrivée à Genève, Jean Mara remplit diverses fonctions pour la Société Typographique de Neuchâtel (traductions en espagnol, recrutement d’ouvriers…). Dans une de ses lettres à F.-S. Ostervald, il évoque avec regret le contexte perturbé qui règne dans la République.


Je suis faché que les dissentions que J’ai trouvé ici, croyant eviter celles de votre Ville, ayent interrompu le cours de notre correspondance. [7]


Cinq jours après l’envoi de cette lettre, le premier syndic de Genève fait savoir que le Conseil des Deux Cents ne reconnaît plus les décisions du Conseil général et n’exécutera pas non plus l’Edit bienfaisant. Cette fois, l’agitation déborde les cadres prévus par les Représentants des Natifs, qui tentent de ramener le calme. Une rencontre de concertation a lieu chez l’avocat Grenus. Elle revêt de l’importance dans l’histoire des Mara, puisque la présence d’un fils Mara est signalée dans cette réunion. Aucun document ne mentionne le prénom avec certitude. [8] Soutenus par bon nombre de Bourgeois, les Natifs se rassemblent en armes. Affrontements. Blessés. Le conflit entre les Natifs et les patriciens se durcit. Les patriciens appellent à l’aide leurs alliés traditionnels, Berne, Zurich, la France et le Piémont-Sardaigne. Des patriciens sont pris en otage. Genève essaie d’éviter le pire mais, le 13 mai 1782, Berne envoie un ultimatum, enjoignant de libérer les otages et de maintenir ouvertes les portes de la ville… L’ultimatum est rejeté. Le 6 juin 1782, la France et la Sardaigne signent un traité par lequel elles s’engagent, l’une à envoyer 6.000 hommes et l’autre 4.000. De leur côté, Berne et Zurich annoncent le transfert de 2.000 hommes en premier échelon et de 4.000 en renfort. Le 28 juin, les troupes françaises et sardes campent sous les murs de Genève et les généraux annoncent une offensive militaire, si les Genevois ne libèrent pas immédiatement les patriciens et ne bannissent pas vingt-et-un meneurs. La Ville capitule. Les otages sont libérés.


La réaction et la répression s’abattent sur Genève et entravent les espérances de pastorat du jeune théologien David Mara. Avec l’aide de F.-S. Ostervald, il essaie encore d’obtenir une cure dans la Principauté.


A Monsieur,

Monsieur l’Ancn Bant Ostervald,

A Neuchâtel en Suisse

Genêve le 28. Juillet 1782

       Mara. R.31

Monsieur,


A mon arrivée ici j’ai fait part à mon père de toutes les bontés que vous avez eues pour moi; ce bon papa en a versé des larmes d’attendrissement, il s’est rappellé avec satisfaction toutes les marques d’amitié que vous n’avez cessé de lui donner, et se sent comme revivre en les voyant s’étendre jusque sur ses enfants.


Je l’ai en même tems consulté sur le parti qu’il me restoit à prendre dans ma position;

il n’a pas désaprouvé l’intention que j’avois de recevoir à Neuchâtel l’imposition des mains, il l’a même appuiée de motifs suffisans pour m’y determiner.

Il sent bien que depuis que je ne suis plus Bourgeois, je ne suis plus rien ici, pas même habitant, n’étant pas né ici, quoique mon père le soit. Je suis donc étranger, et tout étranger n’a aucun droit aux cures de Genève, j’en suis d’autant plus exclu que la plus part des Professeurs et des Pasteurs sont négatifs et qu’ils ont la dent contre moi.


Mon Père m’a donc encouragé à ne pas perdre un moment de tems, à accelerer

autant que possible ma reception; que cela fait, Dieu y pourvoira, je pourrai songer

alors à quelque établissement convenable.


J’espère, Monsieur, que vous voudrez bien me continuer vos généreux Services,

et ajouter à toutes les obligations que je vous ai, en vous interessant encore pour moi.

S’il étoit possible que je puisse avoir une des places en question, ou quelqu’autre moins

lucrative encore, mais moins attachante, je l’accepterois avec plaisir; elle me mettroit

à même de subvenir à mes besoins pendant mes préparatifs, et de n’être pas à charge

à un père qui n’a déjà que trop sacrifié pour ses enfans.


Je Suis très sensible, Monsieur, à la complaisance que vous avez eu de me faire

tenir mon passeport; vous voudrez bien en noter le déboursé avec celui des ports de

lettres que vous avez jusqu’ici payé pour mon compte.


Je Suis, Monsieur, avec les sentimens de la plus vive reconnoissance,


Monsieur,

Votre très humble et très

Dévoué Serviteur D Mara fils.


Genève, le 28 juillet 1782.


Mon père ma chargé de vous présenter ainsi qu’à madame la Bannerette Ses très humbles civilités; vous voudrez bien, Monsieur, lui présenter aussi les miennes. [9]


Dans cette lettre, on constate que Louise Cabrol n’est pas, comme d’habitude, associée aux civilités présentées par son mari. En fait, un grand malheur a frappé la famille : fin avril 1782, les enfants Mara ont perdu leur mère. 


Le souci qu’a David de s’établir afin de ne plus être à la charge d’un père qui, écrit-il «n’a déjà que trop sacrifié pour ses enfans» se fait toujours plus pressant, mais n’ayant pas de statut de Bourgeois ni même d’Habitant, il doit renoncer à obtenir une cure à Genève. Il cherche alors à recevoir l’imposition des mains à Neuchâtel. Le 11 septembre 1782, il demande à être admis en examen par la Compagnie des pasteurs. Il a bon espoir de pouvoir s’installer à Saint-Sulpice. Mais cet espoir sera déçu. La Compagnie des pasteurs déclarera «qu’on ne pouvait s’occuper de sa proposition que, préalablement, il n’eût produit un témoignage de l’Académie de Genève.» David renouvelle alors sa demande de réception au pasteur des Bayards, mais partout, il s’attire une réponse négative et finit par admettre que, comme étranger et sans statut, ses chances de décrocher un poste en Suisse sont infimes.

Puis la famille subit un second choc : Jean Mara ne survit que de quelques mois à son épouse et décède d’une fièvre inflammatoire. 


Dimanche, 26 janvier 1783, à 4 heures du soir, décès du sieur Jean-Baptiste Marat, habitant, maître de langues, âgé de 79 ans et demi, mort de fièvre inflammatoire, rue du Perron. [10]


Ce document est intéressant à plus d’un titre. Il explique pourquoi des biographes, ne se basant que sur ce prénom erroné de l’acte de décès ont donné si souvent au père le prénom de Jean-Baptiste. Il indique aussi que la famille a adopté la graphie choisie par Jean-Paul : Marat avec t. Quant à la maladie de peau dont souffrait ce dernier et à propos de laquelle tant d’hypothèses, parfois scabreuses, ont été avancées, ne serait-il pas judicieux de l’envisager comme une maladie inflammatoire héréditaire ?


Précepteur en Russie

On ignore par quelle voie est parvenue à David la proposition de devenir précepteur en Russie. Les nobles russes appréciaient la bonne connaissance des langues et la rigueur calviniste des précepteurs suisses. [11] Dès 1773, l’écrivain anglais, lord Lyttleton, estimait déjà que les travaux scientifiques de Jean-Paul Mara seraient mieux pris en compte en Russie. «On me fit des propositions pour passer à Petersbourg», a écrit le fils aîné [12]. Rappelons aussi que peu de temps avant David Marat, le Vaudois Frédéric-César de La Harpe émigrait à Saint-Pétersbourg, où il fut, de 1784 à 1795, le précepteur en titre des grands-ducs Alexandre et Constantin.


Parallèlement à ses dernières démarches en Suisse et pour ajouter une corde à son arc, David approfondit sa connaissance de la grammaire russe.


En juillet 2001, Elena Alexeievna Savelieva, chef du département des livres rares de la Bibliothèque de l’Académie russe des Sciences de Saint-Pétersbourg, nous signale un ouvrage ayant appartenu à David Mara dans les fonds de cette bibliothèque. On trouve son nom et plusieurs notes dans un Abécédaire russe, relié à la célèbre grammaire slavonne de Meletij Smotrickij qu’il utilisait probablement pendant les premières années en Russie. [13] Il traduit certains mots, transpose en expressions latines les termes spécifiques de la conjugaison des verbes russes…


En 1784, David Marat arrive à Saint-Pétersbourg pour y prendre la fonction de précepteur des enfants du chambellan Vassili Petrovitch Saltykov [14]. Cette information est relayée dans sa notice nécrologique. Masson l’évoque aussi dans ses Mémoires, précisant que David vécut dans la famille Saltykov jusqu’en 1795. [15] Les enfants de Saltykov, prénommés Sergueï et Mikhaïl, sont nés respectivement le 21 avril 1778 et le 27 avril 1779. Ils ont donc six et cinq ans quand David Marat prend ses fonctions et dix-sept et seize ans quand il les quitte, en 1795. Il donne également cours dans d’autres familles et dans des pensionnats éducatifs, ses qualités pédagogiques lui attirant de nouveaux élèves. [16] 


Le 29 décembre 1792, David se marie. A l’église catholique Sainte-Catherine-d’Alexandrie de Saint-Pétersbourg, il épouse Maria Timofeevna, née à Paris, fille du capitaine Labkoff, né à Moscou et déjà décédé et de Marie Dunefour, née à Bruxelles. Leurs témoins sont Philippe Demuth, aubergiste bien connu à Saint-Pétersbourg, André Desnoyers et Daniel Jourlov. Une fille, Marie, naît de cette union, le 24 mars 1794. [17]


En 1793, au moment de l’assassinat, à Paris, de son frère Jean-Paul, qu’il aime et estime, David a 36 ans. Il ne travaille encore dans aucune institution d’éducation officielle. Dans ce contexte politique troublé (en Russie, on adopte des mesures anti-françaises après l’exécution de Louis XVI) et à la veille d’être père, il demande, pour protéger les siens, à pouvoir adopter le nom de Boudry, lieu de constitution de sa famille en Suisse. Cette faveur lui est accordée par «permission impériale». Les souvenirs d’un des professeurs du Lycée de Tsarskoïé Sélo font écho à la méprise que ce changement de nom a engendrée. On n’a pas manqué de remarquer le petit «de» parfois usité. L’impératrice lui aurait-elle octroyé une particule aristocratique ? David s’amuse fort de cette idée lorsque, bien des années plus tard, le jeune Kounitsine aborde cette question:


Je m’étonnai aussi que le nom de sa ville natale coïncidât avec le sien propre, et je le lui dis. Là, il me regarda avec étonnement et me demanda si je “le croyais noble de naissance”. Je perdis contenance, car c’était bien le cas, mais pas tant à cause du nom qu’à cause de la perruque. Lisant sur mes traits une interrogation muette, le vieillard m’expliqua que son surnom de famille signifiait seulement qu’il était “de Boudry”, d’où la coïncidence. J’étais de plus en plus perplexe. Ce que voyant, il finit par bougonner que l’on avait jugé ici l’emploi de son véritable nom gênant, car c’était Marat. [18]


David De Boudry fréquente probablement aussi la maison d’un autre membre de la famille Saltykov, Nikolaï Ivanovitch Saltykov, homme de confiance de l’impératrice Catherine et chargé par elle de veiller sur l’éducation de ses deux petits-fils, Alexandre et Constantin, sur lesquels elle souhaite garder la haute main.


Effectuant cette mission délicate de l’impératrice, le fin courtisan N.I. Saltykov, qui devint bientôt comte, et par la suite même prince, réussit à conserver des rapports de confiance avec la mère de ses pupilles, qui était la femme du futur Paul Ier, Marie Feodorovna. Jusqu’aux tout derniers jours de sa vie (il mourut en 1816) N.I. Saltykov conserva également la bienveillance d’Alexandre Ier. [19]


Chez N.I. Saltykov, David donne donc des leçons à un empereur en herbe et à son frère et, par ce biais, entre, lui aussi, en contact avec la mère des grands-ducs. Marie Feodorovna aura une influence considérable sur le développement de sa carrière professorale. Il compte encore parmi ses élèves le jeune Nikolaï Gontcharov, futur beau-père du poète Alexandre Pouchkine.


Intermède

Après quelques années de préceptorat plein temps et avant de s’engager, à partir de 1803, dans un contexte plus institutionnel, David tente sa chance, mais sans succès durable, en rachetant aux Gontcharov une fabrique de tissus. Il s’inscrit ainsi dans une branche d’activités qui fait partie de la tradition maternelle [20]. Il raconte cet épisode dans une lettre manuscrite, datée de juin 1821.


Si je croyois devoir encore ajouter quelque  considération prépondérante,

je ferois le récit de la perte de ma fortune que m’a fait éprouver un décret de Sa Majesté l’Empereur Paul Ier, décret contre lequel je n’ai point murmuré, parce qu’un souverain sage s’occupe plutôt de la prospérité de tous que de celle de quelques individus.


Vous n’ignorez pas, Monsr, que sous le règne de  S.M.I. Catherine 2e, de glorieuse mémoire,

les Dames et les Demoiselles de la Cour ne s’y présentoient qu’en habit russe d’or ou d’argent, tant dans les grandes cérémonies que dans toutes les réunions et que les Chambellans,

les Gentils-hommes de la chambre, les Médecins, les Sénateurs ne portoient que

des habits riches : mais ce que vous ignorez peut-être, c’est que la fabrique d’étoffes riches

et de drap d’or et d’argent qui fournissoit Pétersbourg m’appartenoit en commun

avec feu M. Pichot et que nous avions fait venir de Lion des ouvriers qui l’auroient portée

au plus haut point de perfection, si Sa Majesté l’Empereur Paul Ier n’avoit pas jugé à propos

de supprimer tout-à-coup l’habit d’or et d’argent pour les dames, et de donner des uniformes en drap brodé à toutes les classes distinguées de l’Empire.


Ce décret, vous le voyez, porta directement sur notre fabrique, en sorte que Pichot est mort

dans la misère et que j’ai vu en peu de temps s’écrouler l’édifice de la petite fortune

que j’avois acquise pendant seize ans de veilles et de travaux consacrés à l’éducation

de la jeunesse. J’aurois bien pu, il est vrai, recourir à la munificence de notre bien aimé Empereur, à son avènement au trône, mais soit timidité, soit résignation à la sainte

volonté de la Providence, je me contentai de supplier Sa Majesté l’Impératrice Mère

de m’accorder une place dans quelqu’un de ses nombreux établissements. […]


Cette lettre, retrouvée dans les Archives historiques centrales à Saint-Pétersbourg, a été publiée en 2001, dans le «Chantier Marat 8» [21]. Déjà malade, David y fait un bilan de son existence. Le texte est traversé par ce double mouvement perceptible aussi dans les lettres de son père, publiées dans le même ouvrage: à l’esprit d’initiative et d’innovation se mêle l’acceptation du sort, de la sainte volonté de la Providence. Mais acceptation ne signifie jamais résignation. Ni Jean, ni Jean-Paul ni David Marat ne se laissent abattre longtemps et enfermer dans une réalité médiocre. Ici, David a misé sur le commerce et échoué. Qu’à cela ne tienne, il reprend le chemin du professorat avec une énergie redoublée et de nouveaux objectifs.

D’autres documents recoupent l’information concernant la fabrique d’étoffes. Ainsi Iouri Tynianov, déjà cité, a-t-il précisé les relations du poète avec des personnages de tous niveaux et de toutes idéologies, entre autres pour la période de ses études au Lycée de Tsarskoïe Selo, où David De Boudry a terminé sa carrière. Quand Alexandre Kounitsine, devenu professeur de droit naturel, rend visite au «vieux De Boudry», leur conversation tombe sur ce sujet:


Le vieux De Boudry demeure rue Razièzjaïa. En approchant de chez lui, je vis sa tête à une fenêtre du rez-de-chaussée; il était assis sans perruque, avec des lunettes. Il fumait la pipe et lisait. D’abord, il ne me reconnut point et m’accueillit d’un air d’importance; je le dérangeais. Je me rappelai à son bon souvenir, aussitôt il s’anima et son importance s’envola en fumée. […]

Je lui dis que je ne pensais pas demeurer bien longtemps au Lycée, car mon but était de publier une revue. Il me répondit d’un ton assez sombre que ni dans sa jeunesse ni même plus tard, il ne s’était figuré qu’il serait professeur. Il avait possédé en Russie une fabrique de galons, mais l’Empereur Paul l’avait, par ses réformes du costume, mené à la ruine.


Après la faillite de la fabrique de tissus d’or et d’argent, David se tourne vers la nouvelle impératrice Marie Feodorovna pour obtenir une place dans un des nombreux établissements d’éducation qu’elle a pris sous sa tutelle très active. Elle n’est pas seulement la protectrice de l’Institut des jeunes filles nobles Smolny, mais elle fonde aussi, à Saint-Pétersbourg, l’Institut Sainte-Catherine-d’Alexandrie. Elle est aussi une pionnière dans l’éducation des jeunes handicapés, aveugles ou sourds et muets [22].


Un texte de Fédor Jakolevitch Mirkovitch (1790-1866) – cet élève de David est le futur gouverneur général de Vilna - signale qu’à l’automne 1802, David cherche un logement à Saint-Pétersbourg. Les parents Mirkovitch ont mis un appartement en location et ils reçoivent sa visite.


… on a eu une visite d’un étranger nommé Boudry pour louer notre appartement. En parlant avec lui, ma mère a appris qu’il enseigne le français et donne cette matière dans les meilleures maisons privées. Pour elle, c’était une excellente occasion et elle lui a dit: «Savez-vous, Monsieur, que cela tombe à merveille: vous avez besoin d’un logement et moi, j’ai besoin d’un instituteur pour mes enfants. Les choses devraient s’arranger d’elles-mêmes, vous serez mon locataire, et mes enfants seront vos élèves.» L’affaire a été immédiatement réglée et Boudry a déménagé le jour suivant dans l’appartement du rez-de-chaussée, avec les fenêtres donnant sur la rue. [23]


Or, la seconde fille de David, Olympiade, a vu le jour le 29 août 1802. Que la mère, cette fois, soit Anna, fille du traducteur de langues orientales, Semen Kilimtchine, indique qu’en sept ans, la vie privée de David a connu des bouleversements. Sa première femme est décédée en 1796. Le mariage de David De Boudry et d’Anna Kilimtchine a lieu en 1806. L’Etat de service précise que Marie, sa fille aînée, habite aussi avec lui.

Tout en poursuivant ses cours comme précepteur privé - il instruit les frères Mirkovitch jusqu’en 1805 - David devient professeur à l’Institut Sainte-Catherine-d’Alexandrie en 1803. Sur la recommandation de l’impératrice, il reçoit en 1803 le rang de fonctionnaire de 9e classe, se positionnant ainsi dans la hiérarchie. En 1806, il entre au Gymnase provincial de Saint-Pétersbourg. La même année, suite à l’oukase impérial exigeant la naturalisation des Français et des Suisses résidant en Russie, il prête serment à l’église du Sénat de Saint-Pétersbourg et obtient «l’éternelle citoyenneté russe». En 1808, il est promu au rang de conseiller titulaire. Sa place dans la société russe s’affermit peu à peu, David réussit là où son père a échoué en Suisse : l’intégration dans les établissements publics.


Un grammairien suisse à Tsarskoïé Selo

Aujourd’hui, «Tsarskoïe Selo» est rebaptisé «Pouchkine» mais en 1811, le Lycée où le célèbre poète, romancier et auteur dramatique a fait ses études doit son déterminatif au parc magnifique qui abrite les palais des tsars : palais baroque pour Catherine II, classique pour Alexandre. La première promotion d’élèves, dont Pouchkine fait partie, y entre en 1811, l’année où De Boudry, promu fonctionnaire de 7e classe, est transféré du Gymnase au Lycée impérial, le 27 juin de cette même année. Les élèves de cette première promotion, qui est celle d’Alexandre Pouchkine, l’ont tous comme professeur : Danzas, de Broglie, Delvig, Gortchakov, Gouriev, Illitchevski, Ioudine, Korf, Kuchelbecker, Lomonossov, Malinovski, Matiouchine…


David Ivanovitch De Boudry a 55 ans quand il devient professeur en titre de langue et de littérature française dans la prestigieuse institution. S’il quitte ses fonctions au Gymnase, il continuera, par contre, à enseigner jusqu’à la fin de sa vie à l’Institut Sainte-Catherine d’Alexandrie auquel il est très attaché et où sa plus jeune fille, Olympiade, fait ses études à partir de 1817.


Il vient aussi de finaliser un projet qui lui tient fort à cœur: une grammaire française à l’intention de la jeunesse russe. Des extraits de cet ouvrage qui nous ont aimablement été transmis par la Bibliothèque nationale de Russie montrent clairement que le livre se compose de deux volumes, l’un de 188 pages (1811), l’autre de 139 pages (1812).

L’avis favorable du censeur Zon date du 19 août 1810 et le texte manuscrit est porté à l’attention du comte Razoumovski, alors ministre de l’Instruction publique. Celui-ci le transmet pour examen à un comité scientifique et le 28 septembre 1810, le savant naturaliste N.J. Ozeretskovski et le mathématicien N.I. Fuss rédigent un rapport. [24]


La Bibliothèque nationale de Russie à Saint-Pétersbourg possède plusieurs exemplaires de l’ouvrage et sur l’un d’eux, une note de la main de David est ajoutée sur une page vierge, près de la reliure. Il résume (en français) l’opinion des personnes qui ont examiné son travail.


Le plan de cette grammaire est naturel et simple. Les règles en sont écrites avec beaucoup de bon sens et déduites des véritables bases de la langue française. Ces règles sont expliquées par des exemples instructifs, utiles et bien choisis. La différence entre cette grammaire-ci et les autres se trouve dans le fait que les modifications sont basées principalement sur de vraiment bonnes raisons.

On constate partout que le rédacteur a analysé et la force et les traits particuliers (distinctifs) du français comme quelqu’un qui le connaît très bien et dans ses rapports aux autres langues, particulièrement la langue russe qu’il connaît à fond. Par conséquent, après les corrections nécessitées par la distraction et la hâte avec lesquelles ce travail a été rédigé, ce travail pourra être publié. [25]


Dans le rapport figurent quelques critiques, auxquelles, selon l’usage, De Boudry a le droit de réagir. Ce qu’il a fait avec la franchise qu’on lui connaît.


Après avoir examiné la réponse de De Boudry à leurs remarques, réponse dans laquelle il était d’accord avec plusieurs d’entre elles, mais catégoriquement pas d’accord avec d’autres, ils ont reconnu le travail de De Boudry comme «utile à l’emploi dans les écoles» et l’ont recommandé pour la publication.


Les deux parties de la grammaire sont imprimées sur les presses du Sénat, mais il semble bien que De Boudry ait supporté une grande partie des frais. [26] Dans chacune d’elles, la page de gauche porte le texte russe et la page de droite le texte français correspondant. Chaque partie est dotée de tableaux de grammaire. Plus d’un tiers de la seconde partie est présenté sous forme de questions-réponses qui peuvent servir de test de contrôle.


Il s’agit d’une pédagogie très active dans laquelle on retrouve les fameuses “mises en situation” de l’élève, suivant les préceptes de J.-J. Rousseau. La réflexion, l’identification sont d’abord mises à contribution. Prenons l’exemple de la Table des matières qui nous livre le style du contenu. Elle se présente sous forme d’interrogations concernant les parties du discours traitées dans l’ouvrage avec des exemples très parlants.

La première partie pose des questions sur les chapitres : Des parties du Discours, des Noms, De l’Article, Des Pronoms, Des Adjectifs, Des Verbes, Des Prépositions, Des Adverbes, Des Conjonctions, De la Disposition analytique. Des questions qui entrent dans de subtiles précisions et donnent vie à la langue, comme :

Et les Pluriels? Ceux en au, eau eu, ou, ceux en al, en ail? ou

Qu’observez-vous quand les Pronoms lui, elle, eux, elles… sont joints à des prépositions? Qu’appellerez-vous un Adjectif qualificatif? Et mettrez-vous un pluriel à l’Adjectif chaque? La place influe-t-elle sur la signification des Adjectifs? Ou encore

Qu’est-ce que vous nommez Temps dans les Verbes? Qu’affirme le Passé indéfini?


La seconde partie traite des Opérations de l’esprit relatives au langage qui seront traitées. Les sous-chapitres s’intitulent: Des propositions, De la période et de la Disposition, De la Disposition analytique, De la Disposition inverse, De la Ponctuation. Parmi les premières questions, nous pouvons trouver:

Quand est-ce que l’esprit conçoit?

Quels sont les êtres qui peuvent devenir les objets de nos pensées? Ne doit-on pas y joindre les êtres de raison?

Quels sont les mots qui peuvent servir de Sujet à une Proposition? Quelle est la Proposition qu’on nomme principale? Quelle est celle qu’on nomme subordonnée? Et incidente? Qu’est-ce qu’on nomme Argument? Et tout en finesse:

Où se placent les Adverbes interrogatifs? Et quand ils ne servent pas à interroger, où se placent-ils? Quand fait-on usage de la Virgule?, etc., etc.


De Boudry a certainement utilisé son manuel pour la promotion de Pouchkine, mais sans doute de façon limitée car les élèves de cette promotion maîtrisaient déjà bien le français. [27] Il s’en sert aussi à la Pension noble, établissement rattaché au Lycée, où il est nommé professeur de littérature française en 1814.


En 1815, sa «grammaire» est citée officiellement comme l’ouvrage au moyen duquel on enseigne le français. […] Pour la deuxième promotion (celle qui arrive en 1815), les «bases de la grammaire» étaient tout aussi nécessaires et le 1er décembre 1815, De Boudry, en tant que professeur du Lycée demande à la Conférence du Lycée 21 exemplaires de son manuel. […] L’accord du ministre est reçu, et le 21 janvier 1816, la Conférence du Lycée confie à l’économat la gestion pratique de l’achat pour le Lycée du livre requis par le professeur De Boudry à l’auteur-éditeur De Boudry. Et le 20 février, la Conférence est avisée que de Boudry a reçu 77 roubles 70 kopecks pour 21 exemplaires de sa grammaire. De cette façon, un exemplaire du livre relié coûtait 3 roubles 70 kopecks.


La grammaire n’a pas été dédiée à Alexandre Ier, mais, protégé de l’impératrice Maria Feodorovna, l’auteur fut récompensé par une bague de brillants. La notice nécrologique de David rappelle d’ailleurs que «Pour sa grande application dans sa profession, il (De Boudry) a été honoré à divers moments.» En 1806 déjà, De Boudry a reçu une tabatière de Maria Feodorovna; en 1814, un rescrit de l’empereur lui attribue l’ordre de Saint-Vladimir de IVe classe pour son dévouement à l’Institut Sainte-Catherine-d’Alexandrie; en 1815, une bague avec brillants lui est offerte par l’impératrice pour le soin apporté à la préparation des jeunes filles nobles à l’examen public; en 1817, une nouvelle tabatière lui est remise et peu après, il est nommé chevalier de l’ordre de Sainte-Anne de IIe classe. En 1819, David est promu au rang de conseiller de collège.


Un Abrégé de grammaire française

Après la sortie de la promotion de Pouchkine, en 1818, De Boudry prépare un nouveau manuel de 73 pages, l«Abrégé de grammaire française», qui établit de judicieux parallèles entre des textes russes et français. Le 10 janvier 1819, M. Zon, toujours censeur, approuve ce nouveau volume. L’auteur-éditeur vend à l’Institut et au Lycée une bonne partie du tirage de son Abrégé.

En 1820, David pense à dédier l’Abrégé à l’empereur. Il écrit au ministre de l’Instruction publique et la procédure est introduite. Le comité scientifique de la Direction générale des écoles est saisi de la requête et Rounitch examine le travail le 13 mars 1820. Ses conclusions ne se font pas attendre. Le manuel offre une méthode très efficace pour apprendre le français. La clarté de l’exposé, l’utilisation à bon escient des traductions russes le rendent accessibles même aux petites classes. Mais comme il y a des erreurs typographiques, le comité scientifique de la Direction des écoles décide, le 7 août 1820, que l’Abrégé ne remplit pas toutes les conditions requises pour être présenté à sa Grandeur Impériale. [28] Le 11 août, le ministre a «confirmé et donné l’ordre de communiquer à l’éditeur l’avis du comité scientifique». De Boudry ne recevra donc pas pour son dernier travail la récompense impériale traditionnelle. Cette mise au pas n’enlève rien au mérite des ouvrages qui, des années durant, seront utilisés avec fruit.


La famille, lointaine et si proche…

Boudry, la Suisse…

Dans son Journal, un des professeurs du Lycée, Alexandre Kounitsine, raconte la manière dont David évoquait sa famille:


Tout en dînant, De Boudry retrouvait sa belle humeur; le vin aidant, il reconnut qu’il aurait volontiers passé quelque temps en Suisse, sa patrie, où il n’était pas retourné depuis trente ans. […] Il avait, un jour, vu Jean-Jacques en personne, mais n’avait osé l’approcher. Il ne se souvenait que du dos voûté de ce sage et de sa redingote grise. Je le considérai avec un respect involontaire.

Le vieil homme dégustait son vin avec des avis connaisseurs: dans sa jeunesse, sa boisson préférée était le frontenac, dont il n’avait point bu depuis une vingtaine d’années. On aurait dit qu’il rajeunissait peu à peu. Alors, il parla de sa famille. Son père était sarde, dit-il, et sa mère suisse. Il ne savait rien du sort de sa sœur chérie, Albertine. Il y avait au mur un portrait d’elle tracé par une main inexperte.

- J’ai reproduit ses traits de mémoire, me dit Monsieur De Boudry. Le visage était plutôt maigre et les yeux grands et noirs: soit dit en passant, Monsieur de Boudry est un médiocre dessinateur. Il fait aussi les cadres: le cadre est beau.

A côté, il y a un portrait semblable, celui d’un homme d’âge mûr, les cheveux courts, les yeux comme des escarboucles, le sourire fugitif.

- C’est mon frère, dit Monsieur De Boudry. Ce fut un grand homme.

Il me raconta ensuite que son frère avait été un médecin célèbre, auteur d’un traité sur les horribles maladies syphilitiques. C’était avant tout un ennemi du profit, il s’était attiré la haine de ses confrères, en exigeant la révélation publique de tous les secrets que les médicastres cachaient à l’humanité, amoncelant ainsi des fortunes au détriment des malheureux malades. L’idée était nouvelle et je posai force questions à Monsieur De Boudry sur les travaux de son frère. Le vieil homme était tout attendri: on voyait que de vieilles ambitions se réveillaient en lui. Il était fier de son frère. Il disait que c’était un esprit élevé; ses recherches sur la nature du feu électrique auraient pu être d’une très grande utilité si l’Académie française ne s’y était opposée. Son frère avait été victime des savants de salon qui l’avaient, à leurs séances, éreinté. Voltaire aussi l’avait voué aux gémonies, seul Diderot avait reconnu ses mérites. En général, la vie de son frère était pleine de malheurs et de tempêtes. Sous le règne de feue l’Impératrice, on lui avait proposé de venir servir la Russie, d’assurer l’éducation de la jeune génération, mais il avait refusé. “Nous aurions pu vivre dans la même ville, sous le même ciel”, dit-il tout en continuant de siroter son vin. [29]


Pouchkine, qui ne peut être suspecté de sympathie pour l’Ami du Peuple, a reconnu à plusieurs reprises le respect que son cher professeur vouait à la mémoire de son frère.


Notre conviction, partagée par M.A. Ljubavin, est que les deux frères ont maintenu une correspondance suivie, ce qui ravive la désolation, déjà présente dans l’esprit de Charles Vellay [30], d’une disparition massive de la correspondance de Marat, dont un fragment resurgit de temps à autre dans des ventes publiques.


«Il est temps de finir et d’entrer dans le port… »

Bien qu’il soit bien intégré dans le milieu des professeurs, David n’est pas riche. Il doit ses conditions de vie aux seuls émoluments de ses charges professorales. Ses forces déclinant rapidement, il craint qu’aucun revenu ne soutienne l’avenir de ses enfants et décide de plaider sa cause auprès de ses supérieurs. Cette démarche nous vaut cette lettre émouvante du 11 juin 1821, écrite trois mois avant sa mort et qu’il adresse, en français, au directeur de la Pension noble. [31]


Monsieur et cher Collègue,


Après dix mois de souffrances continuelles, et ne pouvant plus, faute de repos, faire usage des secours de la médecine, je me vois, quoique bien tard, dans l’obligation de m’occuper sérieusement de ma santé, si je ne veux pas priver mes enfants du seul soutien qui leur reste dans le monde.


D’un jour à l’autre, je me sens dépérir et l’examen de la Pension est la seule chose qui puisse me retenir. Je veux donc recourir à la miséricorde, pour qu’il daigne m’accorder un congé de quelques mois, pour voir si je ne pourrois point me rétablir, ou plutôt ma retraite ; car je désespère de pouvoir jamais recouvrer ma santé.

Mais je ne sais à qui m’adresser pour cela, si c’est directement au Prince ou à quelqu’un de mes chefs.


Comme je crois qu’à la sortie des élèves de la pension, c’est vous que regardent les rapports, j’attends de votre complaisance ordinaire que vous voudrez bien devenir mon interprête auprès de Son Excellence, et la disposer à jeter un œil favorable sur ma triste situation.

Elle n’ignore pas que j’ai plus de 65 ans, et que j’en ai déjà consacré 37 à la Russie, et j’ose le dire, avec un zèle qui ne s’est jamais relâché d’un instant. Il est vrai qu’il n’y en a que dix-huit que je sers directement la Couronne, mais c’est dans trois établissements publics à la fois.

J’ai été dix-huit ans à l’Institut de Ste Catherine, cinq ans au Gymnase de St Pétersbourg et depuis dix ans que je suis au Lycée et à la pension, je n’ai pas pris une seule semaine de congé ; ce qui feroit bien trente trois ans si j’avois servi successivement dans ces établissements ; car la fatigue a été triple et ma santé ne s’en est que trop ressentie.


Cette considération, j’espère, déterminera Son Excellence à m’accorder la moitié de mes appointements actuels, tant à la pension qu’au Lycée, c’est-à-dire deux mille Roubles, qui puissent, en soutenant mes derniers jours, faire un sort à mes deux filles pour lesquelles seules j’ai tant travaillé et qui n’ont d’autre héritage à attendre qu’un nom sans tache et la bienfaisance du plus généreux des Souverains, car vous concevez bien, mon cher Collègue, qu’à mon âge, et vu mon dépérissement visible, toute pension qui ne reflueroit pas sur mes filles, ne seroit pour moi qu’illusoire. […]


Si le Prince n’avoit personne en vue pour me  remplacer, vous pourriez lui proposer Mr Fleury, bibliothécaire de S.E. le Comte A.K. Rasoumowsky, que vous connoissez et qui semble avoir toutes les qualités d’un excellent instituteur : un jugement sain, une moralité exemplaire, la connoissance de la langue et de la littérature françoise, celle de l’Allemand et du Latin, si nécessaire dans la comparaison des langues et de plus une grande fermeté tempérée par l’urbanité et la douceur, indispensables dans cette importante vocation. Je dirai plus, son âge mûr, sans être avancé, promet de fournir une carrière assez longue pour pouvoir aller toujours en se perfectionnant par l’expérience qui est le meilleur de tous les guides : tandis que moi, pauvre infirme, je sens non seulement se dissoudre mon argile, mais encore décliner mes facultés intellectuelles au point que, quand me prennent mes suffocations, mes crampes d’estomac et mes crispations d’entrailles, ma tête n’est plus à moi ; et je vous avoue avec franchise que, depuis près de dix mois, mes leçons s’en ressentent.


Je ne suis plus ce que j’étois il y a quelques années, et je dois m’écrier avec Racan :


«Mon cher, il faut penser à faire la retraite ;

La course de mes jours se trouve presque faite :

L’âge sensiblement me conduit à la mort ;

Il est temps de finir et d’entrer dans le port.»


Dieu vous conserve longtemps pour le bonheur de vos enfants et de tous ceux qui sont confiés à vos soins paternels. Vale.


De Boudri

Ce 11 Juin 1821


De Boudry demande donc qu’on lui accorde une pension qui puisse revenir à ses deux filles s’il venait à disparaître. Le 16 juillet, le directeur demande au comité des ministres d’intercéder auprès de son Altesse Impériale pour que soit prise en considération la mise à la retraite du professeur De Boudry et qu’une pension lui soit accordée correspondant à la moitié du traitement qu’il reçoit dans les deux institutions : le Lycée et la Pension qui y est rattachée. Et il joint à sa requête un exemplaire des états de services de David. L’annexe au Journal des Réunions du Comité des ministres (n° 1228) indique que le 19 juillet 1821, il a été question de cet objet pendant la discussion. Le 28 juillet 1821, une lettre manuscrite en français de David au Prince laisse entendre qu’il garde encore un espoir de guérison. Au Lycée, c’est pendant la Conférence des professeurs du 7 octobre 1821 que sont envisagées la mise à la retraite de De Boudry pour raisons de santé ainsi que l’attribution d’une pension. C’est aussi à la fin de cette même séance que sa mort est annoncée.

Le Lycée et la Pension de Tsarskoïe Selo lui rendent un hommage solennel.


Les funérailles de cet honorable homme furent un spectacle touchant. Quelques-uns des jeunes gens qui ont reçu leur éducation au Lycée, en gardant envers leur ancien enseignant et après sa mort, les sentiments de respect et de gratitude, ont voulu lui dire adieu et ont porté son corps de l’Eglise jusqu’au cimetière. Le directeur du Lycée, le conseiller Engelhardt a aussi pris part au transport du cercueil. [32]


Les filles de David auront droit à une pension. Le 24 juin 1822, Marie De Boudry fait une demande pour que celle-ci puisse lui être payée par l’intermédiaire du professeur de littérature française Fleury, que David avait recommandé pour le remplacer à la Pension. Une requête identique est adressée pour la pension d’Olympiade, encore mineure, par Messieurs les conseillers Miller et Achlobkov, exécuteurs testamentaires de David. [33]

Le 20 février 1823, Marie de Boudry a voulu présenter à l’empereur un travail de broderie de perles, représentant une vue de Tsarskoïe Selo. Elle accompagne son cadeau d’une petite lettre en français:


Sire !


J’ai eu si souvent le bonheur de jouir des beautés du jardin de Tsarskoïé Selo, que je n’ai pu me refuser au plaisir d’en représenter quelques points de vue ; mais il n’y en a point qui m’aît plus vivement frappée, que celle de la gallerie de Tivoli ; vue à travers les petites tourelles du pont rouge ; si cet essai pouvoit ne pas déplaire à Votre Majesté Impériale, je m’estimerois heureuse de pouvoir en offrir l’hommage, bien convaincue qu’elle daignera l’accueillir avec cette bonté qui la caractérise et qui lui élève des autels dans les cœurs de tous ses sujets, parmi lesquels ose se compter


Sire

                                            De Votre Majesté Impériale

                                           La très humble et très fidelle sujette

Marie de Boudri [34]


Ma demeure est vis à vis

du magazin à sel

maison du marchand Antonof

N° 97


La réponse, de la main du prince Volkonsky, indique qu’Alexandre n’a pas oublié ce précepteur suisse qui, dans sa jeunesse, lui enseignait si bien la langue française.  


Mademoiselle,


L’Empereur ayant daigné agréer l’hommage d’un ouvrage fait par vous representant

Une vue de Tzarsko-Sélo, m’a chargé de vous transmettre comme marque de sa gratitude

la Bague çi-jointe.


Recevez, Mademoiselle, mes civilités.

Signé : Le Prince Volkonsky

N° 284       St Petersbourg

Ce 14 Mars 1823

A Melle Marie de Boudri [35]


Sur la vie des deux filles de David De Boudry après sa mort, sur sa descendance et donc sur l’éventuelle existence de documents personnels lui ou leur ayant appartenu (pouvant éventuellement concerner le frère et oncle Jean-Paul Marat et peut-être légués à une institution), la recherche doit être poursuivie.

Les derniers renseignements qui complètent la notice de 2011 concernent Olympiade qui aurait épousé un professeur de français, Pierre Jaqmond (1797-1845), dont elle aurait eu un fils. Sur le plan professionnel, dans la filiation de son père, Olympiade sera inspectrice des classes à l’Institut des jeunes filles nobles Smolny en 1831 puis dirigera un Institut de jeunes filles nobles à Orenbourg. Elle meurt en 1858.


La pédagogie selon David De Boudry


La littérature russe du XIXe siècle a laissé des descriptions drôles, parfois satiriques, de ces instituteurs étrangers qui, pourvu qu’ils parlent français, éduquent les enfants, sans qu’on s’inquiète beaucoup de leurs compétences. Ce tableau ne concerne pas David de Boudry, pour qui les témoignages parlent d’une seule voix. Si certaines notations sont un peu moqueuses sur son allure ou son habillement, toutes sont empreintes d’affection et, surtout, il a été impossible de trouver un avis négatif concernant l’importance de son apport pédagogique.


Pouchkine, qui l’appréciait beaucoup, a dit de lui que c’était «un homme de goût» et on a pu voir le dessin que le poète a fait de son professeur. De nombreux élèves ont laissé des appréciations sur sa personnalité affirmée et son talent d’enseignant. Fedor Iakolevitch Mirkovitch reconnaît devoir à De Boudry sa solide connaissance du français et une grande ouverture sur la littérature ancienne et moderne. Il se souvient aussi des cours d’histoire et de géographie. Il souligne le souci de son précepteur de se baser sur les compétences de ses élèves et d’être capable d’apprécier, voire d’admirer leurs progrès. Modest Adreïevitch Korf (1800-1876), futur comte et directeur de la Bibliothèque impériale publique de Saint-Pétersbourg le décrit ainsi : «Ce petit vieillard comique, court sur pattes, ayant une grosse bedaine, à la perruque graisseuse et légèrement poudrée, était le seul parmi tous les maîtres qui nous furent donnés à comprendre pleinement sa vocation.» Pour Korf, De Boudry avait un esprit éminemment pratique et il agissait directement et en permanence sur la plus importante aptitude, l’aptitude à penser correctement et donc aussi l’aptitude à exprimer de manière logique, cohérente et précise les idées par la parole.

Au Lycée, De Boudry enseigne l’orthographe, la grammaire, la syntaxe, la littérature française. Ses élèves insistent sur le style de travaux qu’il leur fait faire. Son souci constant est de mettre les jeunes «en situation». Il pense que l’expérience, et donc aussi la capacité d’en mesurer l’impact et parfois le caractère nocif, est la base des attitudes autonomes et solides. Dans le huis clos, parfois dur à vivre, du Lycée, il apparaît comme une figure paternelle aussi exigeante que bienveillante, comme une «référence». Ce vieil homme au cœur jeune fait figure de sage. Il discute avec ses élèves des grands événements comme des faits de la vie quotidienne. Il donne son avis sur Bonaparte («le liberticide»), sur la guerre («ce fléau»), la superstition («à combattre»). Il les met en garde contre les influences perverses, contre les maladies vénériennes, rappelant que son frère Jean-Paul avait fait de même avec lui quand il était adolescent.


Outre le large éventail de matières qu’est susceptible d’enseigner David, les témoignages insistent surtout sur l’importance qu’il accorde à une conception philosophique de la pédagogie. En plus de son éthique professionnelle, de son dévouement et de sa persévérance, les élèves disent d’une seule voix que cet «homme honorable» leur a surtout appris à penser, à exprimer avec justesse et précision leurs idées, y compris en les faisant déclamer et même monter de véritables pièces de théâtre qui étaient représentées en public au Lycée.

Ses pupilles se souviennent de sa profonde bienveillance («douceur», «bonhomie», «il admirait nos progrès», d’un réel plaisir («entrain», «vif vieillard») à enseigner et d’une capacité à accueillir la controverse loyale. De Boudry ne cache pas ses opinions, ses accords, ses désaccords, ce qui le rend accessible et explique cette «affection respectueuse» qui l’accompagne («amour», «respect», «gratitude»).


Dans le Journal d’Alexandre Kounitsine, un passage décrit in vivo l’orientation philosophique qu’il donne à sa pédagogie. A un moment de la conversation, Kounitsine explique à De Boudry qu’il a préparé un discours. David s’enquiert aussitôt de la philosophie morale qui le soustendra, puisque, paraît-il, le jeune homme ne se réfère pas à la religion. Kounitsine répond qu’à ses yeux, la religion ne traite pas des passions, ni de l’esprit, ni du contrat social et que ce sont là des sujets qu’il veut aborder.


Là, De Boudry, les mains derrière le dos, se mit à tourner comme un ours en cage, sans dire un mot. Puis il se planta devant moi et se mit à parler à une telle vitesse que je dus le prier d’aller plus doux, mon entendement du français n’étant point si prompt. Il répéta: c’était l’avis de l’un de ses amis, mathématicien [36]. D’après cet avis, la croissance humaine était comparable à celle du papillon, et le gros danger qui guette la jeunesse est l’immobilité et l’absence de vie, telle qu’on les voit au cocon. Laisser s’envoler le papillon, c’était le but de l’instruction. Mais pour cela, il faut savoir bien penser. L’idée me plut, mais je lui dis que parfois, on voyait éclore un papillon que l’on n’attendait pas, sur quoi il tomba d’accord. [37]


Peu enclin aux «systèmes», au déterminisme simple, David De Boudry est toujours à la recherche du Vrai, de ce qui est essentiel, mais dans l’analyse des contextes, il laisse la place au hasard, aux inévitables retournements de situations. Il insiste sur la nécessité de définir à bon escient des attitudes d’adhésion ou de contre-attaque afin d’induire des sauts qualitatifs dans les situations.


Avec sa double origine sarde et française, l’héritage paternel, ses expériences en Suisse puis en Russie, David De Boudry intéresse par la diversité de son potentiel pédagogique. En découvrant le destin de David comme précepteur puis comme professeur et grammairien dans de prestigieuses institutions russes, on pénètre à la fois dans la grande question de l’émigration et dans la réalité de cette mobilité sociale antérieure aux systèmes éducatifs d’Etat. [38]


NOTES

[1] Archives de la Ville de Neuchâtel, état civil, registre des Baptêmes 21, II, 1756, p. 462.

[2] Le père de Louise, Louis Cabrol, est baptisé à l’Eglise réformée de la Platée de Castres, le 25 août 1687. Comme protestant, il émigre à Genève où il devient «habitant» le 15 octobre 1723. Il y épouse, le 24 octobre 1723, Pauline-Catherine Molinier, également originaire de Castres.

[3] Archives de l’Académie de Genève - Le Livre du Recteur – Etudiants de l’Académie de 1559 à 1859, p. 266.

[4] Archives de la Société Typographique de Neuchâtel à la Bibliothèque Publique et Universitaire de Neuchâtel. Lettre de Jean Mara à F.-S. Ostervald du 15 novembre 1775. Ms 1178, ff. 316-317.

[5] George Keith (1686-1778), plus connu sous le nom de Milord Maréchal. Comte-maréchal d’Ecosse, il est exilé pour s’être rangé aux côtés des Stuart. Il séjourne en Espagne jusqu’en 1733 puis devient, pour Frédéric II de Prusse, gouverneur de la Principauté de Neuchâtel, de 1754 à 1765. Protecteur de Rousseau et soutien de la famille Mara. Son frère, James Keith, a été général en chef au service de la Russie jusqu’en 1747 puis est passé au service de Frédéric II et est devenu gouverneur de Berlin.

[6] Les Natifs obtenaient les «droits utiles», la nomination d’officiers dans les compagnies bourgeoises et même l’octroi de la Bourgeoisie à la troisième génération, si elle exerçait une situation stable.

[7] Archives de la Société Typographique de Neuchâtel à la Bibliothèque Publique et Universitaire de Neuchâtel. Lettre de Jean Mara à F.-S. Ostervald du 2 avril 1782. Ms 1240/5, f. 5-6.

[8] A plusieurs occasions, il y aura des confusions entre les fils Mara. Ainsi MM. Dufour, Dufour-Vernes, Cabanès, Chapuisat… pensent que c’est Henri qui est devenu professeur en Russie, des actions de Pierre sont attribuées à Jean-Paul ou à David, etc.

[9] Archives de la Société Typographique de Neuchâtel  à la Bibliothèque Publique et Universitaire de Neuchâtel. Lettre de David Mara à F.-S. Ostervald du 28 juillet 1782. Ms 1178 f. 295.

[10] Archives de Genève – Registre des décès. Vol. 1780 à 1786, p. 171.

[11] Dans le livre Le Précepteur francophone en Europe - XVIIe-XIXe siècles, on lira avec intérêt la contribution d’André Bandelier et de Vladislav Rjéoutski sur ce thème.

[12] Lettre de Jean-Paul Marat à Philippe-Rose Roume de Saint-Laurent du 20 novembre 1783. Miscellanies of the Philobiblon Society, vol.8, London : Whittingham and Wilkins, 1863-1864, p.8.

[13] Bukvar [Abécédaire] Kiev. Typographie de T.A. Verbitski. 1627; relié à Meletij Smotrickij. Grammatiki Slavenskija pravil’noe Sintagma [Grammaire du slavon]. Evier. 1619. Ces livres sont conservés à la Bibliothèque de l’Académie des sciences de Russie.

[14] Vassili Petrovitch Saltykov, grand chambellan, a épousé le 7 juin 1777, la princesse Eudoxie Mikhaïlovna Belosselskaïa, dame de cour auprès de la grande-duchesse Nathalie AlexeIevna, la première femme du grand-duc Paul, puis auprès de Catherine II. M.A. Belosel’skij. N.G. Belosel’skaja. N.M. Belosel’skaja «Dnevnik Beloselskih-Stroganovyh» [Le journal des Beloselski-Stroganov], Rossijskij Arhiv: Istorija otecestva v svidetel’stvah i dokumentah XVIII-XX vv. Al’manah [Les Archives russes: L’histoire de la patrie dans les témoignages et les documents des XVIIIe-XXe ss. Almanach]. Moscou. 2005, vol XIV, pp. 71-90. Cette information est relayée dans sa notice nécrologique («Nekrolog» [Nécrologie]. Blagonamerennj [Bien intentionné. revue]. 1821. 17-18, p. 323), mais aussi par Dmitri Kobeko qui, en 1911, consacre un chapitre de son livre sur le Lycée de Tasrskoïé Selo aux précepteurs.

Kobeko Dmitri, Imperatorskij Carskosel’skij licej. Nastavniki i pitomcy.1811-1843 [Le Lycée impérial de Tsarskoïé Selo. Les professeurs et les élèves. 1811-1843] Saint-Pétersbourg, 1911.

[15] Charles-François Philibert Masson de Blamont [attribué à]. Mémoires secrets sur la Russie et particulièrement sur la fin du règne de Catherine II et le commencement de celui de Paul I. Formant un tableau des mœurs de Saint-Pétersbourg à la fin du XVIIIe siècle. Et contenant nombre d’anecdotes recueillies pendant un séjour de dix années sur les projets de Catherine à l’égard de son fils, les bizarreries de ce dernier, la mariage manqué de la grande-duchesse Alexandra avec le roi de Suède et le caractère des principaux personnages de cette cour, et nommément de Souvorow. Suivies de remarques sur l’éducation des grands seigneurs, les mœurs des femmes et la religion du peuple. Paris : Bertrandet, 1800-1801, t.II. pp. 177-178.

[16] Ljubavin M.A., Licejskie ucitelja Puskina i ih knigi : biografia otdel’nogo lica [Les professeurs de Pouchkine au Lycée : la biographie d’un individu]. Saint-Pétersbourg : Sudarynja, 1997, p. 110.

[17] Archives nationales historiques russes (infra - RGIA). Saint-Pétersbourg. Fonds 1349, op. 4 (1819), dos. 86, II, ff. 13 à 17. Etat de service du professeur de 7e classe de littérature française et cavalier de Boudry.

[18] Tynianov Iouri, La jeunesse de Pouchkine, traduction Lily Denis, Paris : Gallimard, collection : du Monde entier, 1980, p. 293.

[19] Ljubavin M.A., op.cit.

[20] Charlotte Goëtz-(Nothomb), Marat en famille – La Saga des Mara(t) I, «Chantier Marat 7», Bruxelles : POLE NORD, 2001, pp. 69-75.

[21] Archives historiques centrales à Saint-Pétersbourg (infra – TsGIA, Saint-Pétersbourg). Fonds II, op 1, dos. 1374. Lettre de David de Boudry du 11 juin 1821. Publication dans Charlotte Goëtz-(Nothomb), Marat en famille – La Saga des Mara(t) II, «Chantier Marat 8»  Bruxelles : POLE NORD, 2001, pp. 78-79.

[22] Martin Marie, Maria Feodorovna 1759-1828 en son temps. Contribution à l’histoire de la Russie et de l’Europe, Paris : L’Harmattan, collection Des idées et des femmes,  2004.

[23] Mirkovitch Fedor Jakolevitch, L’histoire de sa vie, composée de ses propres mémoires, les souvenirs de ses proches, les documents originaux, Saint-Pétersbourg 1889.

[24] Ljubavin M.A., op cit. p. 114

[25] Bibliothèque nationale de Russie – Saint-Pétersbourg – Réf : 18.78.5.55.

[26] En 1816, le Lycée achète des exemplaires de ce livre à de Boudry lui-même qui était sans doute propriétaire de tout le tirage. Ljubavin M.A., op.cit. p.115.

[27] Ljubavin M.A., op cit. p. 114.

[28] Ljubavin M.A., op cit. pp. 116-117.

[29] Tynianov Iouri, op. cit. pp. 292-293.

[30] Voir l’introduction de Charles Vellay dans La correspondance de Marat, recueillie et annotée par Charles Vellay, Paris : E. Fasquelle, L’Elite de la Révolution, [xxii- 291 p.], 1908 et Supplément à la correspondance de Marat, annotée et recueillie par Charles Vellay, Le Puy : Imprimerie de Peyrillier, Roucher et Gamon, 1910.

[31]Archives historiques centrales (TsGIA), Saint-Pétersbourg. Fonds II, op.1, dos. 3474. Lettre manuscrite de David de Boudry du 11 juin 1821. Publication dans Charlotte Goëtz-(Nothomb), Marat en famille – La Saga des Mara(t) II, «Chantier Marat 8»  Bruxelles : POLE NORD, 2001, pp. 105-109.

[32] «Nekrolog» [Nécrologie]. Blagonamerennj [Bien intentionné. revue]. op.cit.

[33] Archives historiques nationales russes (RGIA), Saint Pétersbourg. Fonds 519, dos. 6, 1822. Lettres de requêtes pour les pensions de Marie et Olympiade de Boudry.

[34] Archives historiques centrales (TsGIA), Saint-Pétersbourg. Fonds II, inv. 1, dos. 3474.

Lettre de Marie de Boudry à l’empereur du 20 février 1823.

[35] Archives historiques centrales (TsGIA), Saint-Pétersbourg. Fonds II, inv. 1, dos. 3474.

Réponse de la main du prince Volkonsky à Mlle Marie de Boudry du 14 mars 1823

[36] Charles-Gilbert Romme, précepteur de Paul Stroganov, fils du comte A.S. Stroganov, à Saint-Pétersbourg.

[37] Tynianov Iouri, op. cit. p. 291.

[38] Voir le compte rendu fait par Pierre Caspard de : Charlotte Goëtz-Nothomb, Marat en famille. La saga des Mara(t).Tome I: Sardaigne-Suisse. Tome II: Suisse-Grande-Bretagne-Hollande-France-Russie, « Chantiers Marat 7 et 8 », Bruxelles : POLE NORD, 2001.

REFERENCE DE L’ARTICLE DE PIERRE CASPARD:

http://histoire-education.revues.org/index923.html





TSARSKOIE SELO

croquis d’Alexei Illitschewski où plusieurs professeurs sont représentés.

Alexandre Kunitsine, David de Boudry,

Pjotr Georgiewski, Friedrich von Hauenschild…

En haut, à droite, Alexei Razoumovski, 

ministre de l’Éducation publique