ACADEMIE DE BORDEAUX
ELOGE DE CHARLES DE SECONDAT
(MONTESQUIEU)
CONCOURS OUVERT EN 1782
MARAT TRANSMET SON MEMOIRE LE 28 MARS 1785
L’Académie de Bordeaux songe, déjà en 1780, à mettre en concours un Eloge de Montesquieu. Le Mercure de France du 30 décembre 1780 insiste sur cette nécessité, d’autant qu’un article, paru dans ses colonnes, avait attaqué Montesquieu.ce qui indique les dissensions qui existent très tôt sur ce théoricien politique.
Le concours sera ouvert en 1782 et Marat, n’hésite pas à transmettre son Eloge, daté du 19 mars 1783. Il sera enregistré par le secrétaire de l’Académie, le 28 mars 1785 sous le n°5.
Cet Eloge, hommage à Montesquieu, un de ses maîtres, se trouve dans les Archives de l’Académie de Bordeaux, déposées maintenant à la Bibliothèque Municipale de cette ville.
Même s’il n’en est pas fait mention dans les scellés après l’assassinat de Marat, une copie de cet Eloge devint pourtant la propriété de la famille de son frère cadet, Jean-Pierre (Genève), ce qui indique qu’Albertine en possédait aussi un exemplaire. On ignore pourquoi les petits-neveux de Marat n’en firent aucune publicité. On sait, par contre, que le document fut prêté et des passages publiés, ce qui mécontenta ces descendants.
François Chèvremont s’intéressera de près à ce texte, à ses yeux, vraiment important pour comprendre les racines philosophiques et politiques de Marat. Il fera une publication de fragments qu’il avait rassemblés, initiative qui sera interrompue par l’édition complète de 1883, réalisée par M. Arthur de Brésetz (Libourne, Maleville) lequel, dans son introduction, rend hommage à la collaboration de F. Chèvremont.
La copie qui était dans la famille genevoise de Marat se retrouvera in fine dans celle de Montesquieu. Elle échappera ensuite à la dispersion de la Bibliothèque du château de la Brède et repose dans cette même Bibliothèque municipale de Bordeaux qui est donc en possession de plusieurs versions: le texte envoyé par Marat (fonds de l’Académie), celui transmis à ses descendants (Bibliothèque de la Brède).
Sur la copie de l’Eloge, composée de 113 feuillets écrits d’un seul côté, (mais pas de la main de Marat), on peut lire en haut à gauche de la première page : N° VIII. En haut à droite : Reçu de Paris, le 28 Mars 1785. lu, examiné et rejetté du concours sur le rapport de M. Desèze, le [6] juin pour les Raisons contenües au Registre.
Le titre est : Eloge de Charles de Secondat.
Suit comme exergue : Pour peindre un Alexandre, il faudroit un Apelles
Pas plus que les autres Mémoires transmis pour ce concours, le texte de Marat ne sera retenu, l’Académie refusant pendant sept ans d’octroyer le prix.
POLENORDGROUP possède dans ses Archives la reproduction de la copie de cet Eloge, trop peu connu. Il offre au lecteur le commentaire, fait par Marat, des principales Œuvres de Montesquieu et, surtout, il met en évidence les attitudes originales qu’adopte ce «Sage» pour aborder ces questions politiques si sensibles : le gouvernement despotique, le racisme, l’esclavagisme, les mœurs, etc., attitudes qui, aujourd’hui encore, sont souvent comprises à contresens.
Marat soulignera dans ses ouvrages De l’Homme et dans son texte La Constitution ou Projet de Déclaration des droits de l’homme et du citoyen l’importance centrale qu’il accorde à Montesquieu. Et sans doute est-il toujours utile de remettre en débat le destin paradoxal de ce penseur mué en personnage encensé, idolâtré, intouchable, ce qui, par là même, a empêché de mesurer à quel point sa pensée, ainsi scellée, était rejetée par «Les Lumières».