POURQUOI UN SITE Marat?

 
                                      Par le comité rédactionnel - 2016
      
                                                           © POLENORDGROUP

         Les situations sociales actuelles exigent que les citoyens s’activent pour comprendre dans quel contexte de sociétés ils évoluent et donc apprennent à se situer par rapport à des personnalités qui, comme Marat, n’ont jamais cessé d’en développer et d’en transcender l’analyse. Il est évidemment insuffisant de s’affirmer «maratistes» à plus de deux siècles de distance, mais il est absurde de ne pas inclure Jean-Paul Marat dans l’analyse des stratégies subtiles, initiées à l’époque, in vivo, par ceux qui ont le pouvoir, pendant ces années passionnantes et dramatiques. 

Au cœur des controverses
      Les mesures prises par des gouvernements n’ont de sens, pour Marat, qu’en référence à la vitalité et au développement des sociétés civiles. Jamais Marat n’est polarisé sur l’adoption d’un mode de pouvoir car tous peuvent être corrompus ou dépendants. La forme de gouvernement (monarchie, république, démocratie, oligarchie, etc.) n’est pas au cœur de sa théorie. Dans Les Chaînes de l’Esclavage, n’écrit-il pas, dans la même foulée, qu’«un bon prince est le plus noble des ouvrages du créateur, le plus propre à honorer la nature humaine […] mais que «pour un bon prince, combien de monstres sur la terre!». 
Et dans le n°23 de son Journal de la République française, voici comment il parle de la république: «Nous nous disons républicains et nous croyons l’être. J’ignore de quelle république, si ce n’est celle de Carthage, où tout était vénal jusqu’à l’honneur».

Oui et Non
      Le sujet de Marat est la société vivante et autonome, soucieuse du développement des qualités de ses membres, de justice, de sécurité. L’Ami du Peuple, qui n’a rien d’un anarchiste, œuvrera en permanence pour une vraie Constitution, des Lois qui aient de «l’esprit», la séparation et surtout le contrôle des pouvoirs… Il mesure et dénonce ces entraves au bien commun, qu’individus ou groupes élevés à différents niveaux de pouvoir ont de si fortes pulsions, parfois inconscientes, à établir ou rétablir. 
Dans la filiation de Montesquieu, il pense que Pouvoir peut signifier honneur, maturité, rôle historique, mais qu’il peut aussi se muer en jouissances narcissiques, en étonnants processus d’asservissements, en désirs de mises sous tutelle et en conflits implacables avec des concurrents, sans hésiter à se servir de domaines qui ne devraient relever que du registre personnel, les religions en particulier. 

Enjeux de la formation politique 
      Il faut reconnaître aussi, et sans conteste, que Marat évolue dans son analyse. 
Au début, il accueille favorablement la décision royale de convoquer des Etats-Généraux, ancien contre-pouvoir. Mais il comprend vite que cette mesure n’a de valeur que si elle conduit à une Constitution, au sens fort du terme. Pendant le cours de la Révolution, il se montrera prudent et suspicieux dès que des institutions, des traditions sont supprimées sans être remplacées. Sous prétexte de donner plus de liberté, nombre de réformes induisent, en effet, un pouvoir exécutif plus dominateur, voire absolu.

Démarqué des Newtoniens, des Encyclopédistes et, plus tard, des laudateurs de l’Ancien et du Nouveau régime, souvent éloigné des Jacobins, ne fréquentant que de temps à autre le Club des Cordeliers, en rupture avec les «Enragés», les «Exagérés», Jean-Paul Marat ne se coule dans aucun des moules où on a tenté de le figer. Dès 1790, il vit souvent dans la clandestinité, sous menaces d’arrestation. Ses Journaux comme ses presses sont régulièrement saisis. Son œuvre de journaliste, objet de multiples contrefaçons, a été difficile à reconstituer. Quant à la plus grande partie de sa correspondance, elle a disparu, comme a mystérieusement disparu un de ses importants manuscrits, L’Ecole du Citoyen, figurant pourtant dans les scellés juste après sa mort.  
Mais jamais Marat ne regrettera le rôle qu’il s’est choisi, chercher la Vérité, parce que ce rôle lui apporte de grands bonheurs, même s’il le plonge dans les rapports de force de ces années cruciales, même s’il est descendu en flammes par ses adversaires et finalement assassiné. 
On ne peut que regretter qu’il ait été trop isolé. 

Pour et contre la fiction
     Marat a aussi eu l’excellente idée de se construire un double pédagogique qui lui survivra, le personnage de l’Ami du Peuple. Par sa voix, il noue un contact direct et affectif avec le peuple et lui fait partager ses sentiments, ses analyses, ses désaccords. L’Ami du Peuple marquera l’époque et passera à la postérité même si les légendes négatives, répétées par ses adversaires ou ses fans décalés, affectent sa biographie dès l’enfance, d’où le plaisir de renouer avec le véritable Marat au delà des clichés hâtifs. 
Mais - qui l’ignore? - l’histoire qu’on veut nous faire entendre pour nous empêcher de réfléchir et d’agir, est peuplée de penseurs caricaturés dont on persiste à nous écarter: Machiavel est machiavélique, Montesquieu momifié, Rousseau compris à l’envers et Marx, terroriste! Courage!