ECHOS DANS LES MEDIAS - RECENSIONS

















ARTICLE DE L’HEBDOMADAIRE BELGE SOIRMAG

DU 28 JANVIER 2018,

ECRIT PAR PIERRE DE VUYST



































CHRONIQUE PARUE DANS LE N° 166 (AOÛT-SEPTEMBRE 2017)

DE LA REVUE ELEMENTS

SOUS LA PLUME DE L’ÉCRIVAIN SUISSE DAVID L’ÉPÉE










































Annales Historiques de la Révolution FrançaiseNuméro 347





2007

«Chantiers Marat 9 et 10» : Plume de Marat – Plumes sur Marat

Pour une bibliographie générale


ARTICLE DE GUILLAUME MAZEAU


Par la plume de Charlotte Goëtz-Nothomb, l’association POLE NORD poursuit une vaste entreprise, commencée lors du Bicentenaire de la Révolution française en publiant les tomes 9 et 10 d’une collection dont le nom n’a rien de métaphorique. Depuis le «coup éditorial» de 1990 (la redécouverte dans un château écossais d’une collection du journal de Marat corrigée par lui en vue d’une réédition), l’association concentre ses recherches sur la production intellectuelle de Marat, qu’elle soit scientifique (Chantiers Marat 3), ou politique (Chantiers 5 et 6, Œuvres politiques en 10 volumes), mais aussi sur l’histoire familiale de l’Ami du Peuple (Chantiers 4, 7 et 8). Cette nouvelle parution n’est pas moins ambitieuse : présenter en deux volumes une bibliographie générale rassemblant à la fois ce que Marat a écrit, mais aussi son historiographie jusqu’à nos jours.

Le premier volume (Chantiers 9) rassemble les références des œuvres de Marat, mais aussi la chronologie de ses interventions orales, les écrits publiés sur lui au XVIIIe siècle et un catalogue des archives de l’édition POLE NORD à la bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel-Suisse. Le second volume (Chantiers 10) recense l’historiographie de Marat depuis le XIXe siècle, réservant une place de choix aux travaux du «bibliographe de Marat», François Chèvremont (1824-1907), dont la fameuse collection est conservée à la British Library.

L’ensemble fournit un instrument de travail indispensable au chercheur, non seulement par le nombre des références (3.000), mais aussi par la qualité des notices. Un bémol : toutes ne sont pas accompagnées de commentaires critiques, si bien que les travaux universitaires ne se distinguent pas bien des productions les plus farfelues (et il y en a !). En revanche, Charlotte Goëtz-Nothomb a indiqué pour chaque imprimé les lieux de conservation des exemplaires qu’elle a recensés, précision qui contentera ceux qui ne parviennent  pas à passer la Manche (ils pourront voir la liste des pièces de la collection Chèvremont qui sont copiées à la Bibliothèque municipale de Lyon) ou les historiens des collections.

L’iconographie est, de l’aveu même de l’auteur, la grande absente de cette bibliographie. Les seules images que l’on trouve ont une vocation illustrative ou publicitaire (Chantiers 10, p. 89).

L’usage plus mémoriel que scientifique de certaines photographies (Chantiers 9, p. 254 et Chantiers 10 p. 40) redouble le ton engagé de l’introduction. En outre, l’organisation générale peut parfois dérouter le lecteur. Ainsi, la répartition des volumes (XVIIIe siècle pour le premier, XIXe et XXe siècles pour le second) inclut l’historiographie sur Marat de la fin du XVIIIe siècle sous le titre Plume de Marat. D’autre part, on peut s’interroger sur la légitimité de l’autonomie de quelques chapitres : dans le «Chantier Marat 10», deux chapitres entiers sont consacrés au Marat assassiné de David, et aux Marat/Sade de Peter Weiss et Peter Brook. Les critères du classement ne semblent pas toujours très clairement expliqués : toujours dans le même volume, le chapitre II rassemble des «textes contenant des chapitres, des notices, des citations sur Marat ou précisant un contexte» (p. 183). Enfin, et ce sont les lois du genre, les lecteurs qui nourrissent un intérêt particulier pour un des thèmes abordés décèleront quelques oublis : c’est notamment le cas pour ce qui concerne les archives et imprimés sur la mort de Marat, ainsi que sur Charlotte Corday.

Quelques remarques ne doivent toutefois pas minimiser la valeur et l’utilité d’un tel travail. Plus qu’une mise à jour de la bibliographie de Marat ou qu’un guide de recherche, c’est une vraie proposition scientifique que nous livre Charlotte Goëtz-Nothomb, qui choisit de présenter les écrits de Marat ou les écrits sur lui comme les facettes longtemps sous-estimées d’une même histoire à reconstituer.


POLENORDGROUP transmet ci-après, avec beaucoup d’émotion,

des extraits de deux articles d’Alberto Gil Novales, décédé le 14 novembre 2016.

Cet éminent historien espagnol a toujours suivi avec intérêt et solidarité

ses recherches et travaux sur Marat
















Trienio – Revista de HistoriaMadrid  (traduction de l’espagnol) - 2006


«Chantiers Marat 9 et 10» : Plume de Marat – Plumes sur Marat

Pour une bibliographie générale


Après de longues années consacrées à l’étude et aux travaux d’édition concernant la personnalité politique de Marat, Charlotte Goëtz-Nothomb et ses compagnons de l’association POLE NORD ont considéré que le moment était venu d’éditer la bibliographie actualisée de et au sujet de ce grand protagoniste de la Révolution française, en la resituant à partir des ancrages scientifiques qui précèdent cet événement. L’idée est de rendre accessible au lecteur tout ce que Marat a écrit et tout ce qui a été publié à son sujet depuis son époque jusqu’à nos jours. Afin que personne ne reste dans l’impossibilité d’accéder à un quelconque texte «maratien» qu’il n’aurait su où trouver. Ceci ne veut pas dire que l’on sache tout sur Marat : les dernières années ont été fécondes en découvertes, mais cette fécondité laisse justement espérer d’autres trouvailles. C’est pourquoi plusieurs pages, à la fin du premier volume, sont dédiées à de «nouvelles notations».

Dans l’introduction, l’auteur nous informe que le niveau de connaissances atteint à propos des textes originaux de Marat est dû à l’effort de nombreuses personnes, desquelles se détache François Chèvrement qui a consacré cinquante années de sa vie à travailler sur Marat et a, en 1898, confié une partie de ses documents à Georges Pilotelle. Chèvremont a publié des livres importants, copié à la main beaucoup de documents…. La bibliographie rend compte de l’endroit où sont déposés ses livres, ses manuscrits, les originaux et les doubles, et tout ce qui fait référence à son travail.


D’autres auteurs ont prolongé ce travail, puis est arrivé le bicentenaire de la Révolution française, les apports de POLE NORD et de la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel, où les archives de POLE NORD ont été déposées. Un fait historique fondamental est la découverte en Écosse par les chercheurs de POLE NORD, en 1990, d’une collection des journaux de Marat corrigés par lui-même, lesquels, achetés par l’Etat français, se retrouvent maintenant à la Bibliothèque nationale.


Avant d’être écrivain, Marat s’est occupé de questions philosophiques, scientifiques et de type médical. Connaître ces travaux nous aide à situer l’homme dans son époque et à chasser une vision linéaire, une image rectiligne, illustrant une marche en avant d’un progrès, idéalisé, inéluctable. Marat, et Newton avant lui, vivaient leur époque comme des périodes d’essais, de retours en arrière, de découvertes aussi, suivies de nouvelles interrogations.


Une partie des chercheurs de cette époque - et Marat parmi eux - explore les éléments fluides : le feu, la chaleur, la lumière, l’électricité. Très tôt, Marat s’oppose méthodologiquement au matérialisme de son temps, Helvetius, D’Holbach, les physiocrates, il rejette la moquerie de Voltaire et l’indifférence de Condorcet, échappe au mesmérisme qui attire tant Jean-Pierre Brissot. Le déterminisme des uns, le sceptiscisme et le mysticisme des autres  l’irritent mais il finira par renoncer à un débat qu’il ne noue qu’avec lui-même. Le Marat prérévolutionnaire suscite l’intérêt : son admiration pour Newton dont il a traduit «L’Optique», attire l’attention ; ses critiques et ses apports en ophtalmologie et en médecine préventive sont estimés. Mais la dichotomie entre l’homme de sciences et le politicien persiste, ce qui porte préjudice à la dynamique de l’ensemble.

[...]

Que l’on comprenne bien : ce qui est apporté ici est la description bibliographique de chacun des titres de Marat, les éditions postérieures et traductions, ainsi que les principales bibliothèques où on les trouve dans le monde. Suivent les comptes-rendus, articles, annonces dans la presse du temps et la correspondance, une des parties les plus intéressantes, en définitive, parce qu’elle nous donne des références très difficiles à trouver ailleurs. Je signalerai que dans cette partie se situe le projet de Marat d’émigrer en Espagne en 1783, projet étayé sur la correspondance avec Roume de Saint Laurent.

Une autre partie est consacrée aux œuvres politiques (1774-1793) : dans celle-ci sont inclus, avec une extraordinaire précision, les journaux publiés par Marat. Figurent dans cette section les lettres et proclamations de Marat qui se réfèrent à ces journaux, et signalée l’existence des faux numéros. Cette section se termine par le relevé chronologique des interventions de Marat à la Convention, aux Jacobins et dans d’autres lieux.


Commence alors la section : «Marat vu par ses contemporains».

Le tome I rend compte des feuille volantes, écrits occasionnels et imprimés du XVIIIe siècle, aussi bien ceux qui sont signés par leur auteurs que ceux qui paraissent sous un pseudonyme ou anonymement. Dans cette section, on trouve la référence précise aux Œuvres Politiques  de Marat publiées en dix volumes par Jacques de Cock et Charlotte Goëtz-Nothomb, Bruxelles, POLE NORD, 1989-1995.

Le second tome «Marat 10» se divise en VI chapitres : le I comprend la liste alphabétique des auteurs dont les œuvres se réfèrent à Marat, à ses travaux et à ses proches.


La bibliographie de François Chèvremont présente un intérêt spécial (voir plus haut) avec les listes alphabétiques de ses manuscrits et la chronologie de la correspondance tenue à leur propos, et une troisième liste alphabétique des documents et copies manuscrits de documents imprimés, y compris les articles.

Le II donne la liste alphabétique des textes qui comportent des chapitres, informations ou citations au sujet de Marat, avec des commentaires pertinents quand ils sont nécessaires. Le III est consacré à l’assassinat de Marat et à Charlotte Corday.

Les paragraphes IV, V et VI nous réservent une agréable surprise.

Le IV propose une liste chronologique de la littérature qui concerne le tableau de Jacques-Louis David Marat assassiné, avec des références complémentaires sur ce peintre et l’Histoire ; le V, des listes chronologiques, classées par langues, de l’élaboration de l’œuvre théâtrale de Peter Weiss et du film Marat/Sade de Peter Brook ; et le VI, la liste alphabétique des œuvres, articles et informations relatifs à la pièce de Peter Weiss et à Marat/Sade.


Cet effort immense (plus de 3.000 références) s’accompagne de nombreuses illustrations et fac-similés, très judicieusement sélectionnés. Je ne crois pas qu’il soit utile de dire pour terminer ce compte-rendu que nous sommes devant l’œuvre fondamentale sur Marat, conçue à grande échelle, dans une typographique soignée, sans luxe inutile, mais avec une ambition scientifique légitime.


Trienio – Revista de HistoriaMadrid - 2002


«Chantiers Marat 7 et 8» : Marat en famille – La Saga des Mara(t) I et II


Marat en famille forma los tomos 7 y 8 de la Collection Chantiers, calificados también de Marat 7 y 8. En vista de la cantidad de cosas absurdas, a veces con pretensiones cientificas, que han venido diciéndose sobre esta familia, Charlotte Goëtz-Nothomb se ha tomado el trabajo de indagar en los archivos. El resultado ha sido que Juan Salvador Mara, el padre del célebre revolucionario fue bautizado en la iglesia parroquial de la Marina, en Cagliari, Cerdeña, el 9 agosto 1704. El acta del bautizo está en español, lo mismo que el nombre del interesado, ya que el castellano era la lengua oficial en Cerdeña, y lo siguió siendo durante muchos años, cuando ya no existia ningún tipo de dependencia politica. El conocimiento de esta lengua va a tener cierta importancia en la vida de Juan Salvador. El cual en 1718 ingresó en el convento de Bonaria, de la Orden de la Merced, en la misma ciutad, en el que profesó el 10 agosto 1720. Esta vez el documento correspondiente está en latin. Subdiácono en 1725, diácono  en 1726, no se conoce la fecha exacta en que se hizo sacerdote, pero si que durante varios años fue lettore di arte, es decir de filosofia y materias literarias, en el propio convento. Charlotte Goëtz-Nothomb explica las caracteristicas de la Orden de la Merced, en general, y más en particular en Cerdeña, en donde se establece en Cagliari y en otras ciudades como parte de la provincia mercedaria de Aragón. En 1735 se piensa en establecer un nuevo convento, esta vez en Bono, en el centro de la isla y la tarea se le confia a Juan Salvador, quien encuentra una gran resistencia por parte de otras congregaciones religiosas, que no quieren competencia alcuna. Cuando Cerdeña pasó en reino del Piamonte, los mercedarios sardos se dividieron entre partidarios de seguir perteneciendo a la provincia aragonesa, y partidarios de crear une provincia autónoma. El asunto fue haciéndose cada vez más grave, pero se basaba en una cuestión politica, y no religiosa. En 1739 estalla el escándalo : la curia eclesiástica reclama un fuerte subsidio, con efecto retroactivo, que deberá pagar el nuevo convento mercedario de Bono. Al mismo tiempo se predican las Bulas de Cruzada, en las que Juan Salvador sólo ve un pretexto para engrosar las arcas de la Casa Real. En consecuencia, con buenas razones, se opone al subsidio y a las Bulas. Vuelve a darse una situación semejante a la que originó el cismo luterano. Después de un largo debate, con intervención de muchos personajes. Juan Salvador es invitado el 3 Mayo 1739 a personarse en Turin, en donde será sancionado. Esto significa que entrará en prisión, probablemente para toda la vida. En consecuencia, toma la determinación de escapar: el 7 octubre 1739 lo encontramos en Ginebra. La autora nos ofrece un interesante panorama de la situación politica de esta ciudad protestante, situada en medio de paises católicos. Los derechos y las divisiones de su población estaban perfectamente regulados, y su adquisición no resultaba fácil para los recién llegados. Jean (el antiguo Juan Salvador) se hizo calvinista, y pasó a depender asi de la llamada Cámara de los Prosélitos, cámara reciente, fundada en 1708, que no ejerce ningún tipo de proselitismo, pero ayuda y selecciona a los inmigrantes. Para ganarse la vida Jean se hace dibujante, oficio muy preciado en la pujante industria local de telas estampadas. A finales de 1740 se casa con Louise Cabrol, nacida en Ginebra de una familia de comerciantes, de origen lombardo-francés. En 1741 Jean Mara es aceptado como habitante de Ginebra (era una categoria juridica). El mismo año el matrimonio se traslada a Yverdon, en donde en 1742 les nace la primera hija, Marianne-Françoise. Nuevo traslado a Boudry, en donde vivirán diez años, y en donde nacen Jean-Paul (24 mayo 1743), Henry (1745) y Marie (1746). Son años felices, según recordará Jean-Paul. En Boudry existe una fábrica de indianas, para la que trabajará Jean Mara. Alli tuvo un incidente, por unos dibujos perdidos o robados, lo que indica su categorián y toda la familia se trasladó a Neuchâtel, pasando por Peseux. Parece que ejerció la Medicina, sin titulo, que no se exigiá entonces. Alli le protegió George Keith, protestante, pero defensor de los Estirados, y aun se cree que Mara fue preceptor de los hijos de Keith. Asistimos a la amistad con Ostervald, fundator en 1769 de la Societad Tipográfica de Neuchâtel (STN), a los comienzos escolares de Jean-Paul, y a las amistad de éste con Abraham-Louis Breguet, el luego famoso relojero, y a la marcha de aquél a Inglaterra, en donde quiere dedicarse al estudio de las ciencias. En 1788 Marat, que ha adoptado esta grafia de su apellido, dice, para no ser confundido con la rama irlandesa de su familia ( ?), confia a Breguet sus instrumentos cientificos porque cree hallarse próximo a morir. Pero, restablecido, trata de recuparlos: teme que caigan en manos del Sr. Bellancourt, encargado por el Rey de España para hacer una colección de instrumentos preciosos (I, 167). No sé quién es este Bellancourt. El rey será Carlos III. En todo caso es un dato curioso.


En el tomo siguiente la autora presenta la vuelta de la familia a Ginebra, en donde Jean Mara trabajo como traductor de español en la STN. Para ganar flexibilidad Mara se procura el Diccionario de Sobrino (y no Sobino, como está trascrito), la Historia de la conquista de Méjico de Antonio Solis, y el Teatro critico universal, de Feijoo. Además parece que se hallaba en relación con varios libreros españoles. El trabajo en la STN no se limitó a la traducción, sino que hizo de informador o agente confidencial para contratar obreros especializados. Hizo lo posible también para que Gabriel Grasset ingrease en la STN, pero al final no hubo acuerdo. Ayuda también a Ostervald en el gran proyecto de una nueva edición de la Enciclopedia. Desde Ginebra Jean Mara sigue los progresos de su hijo Jean-Paul en Inglaterra. Abre marcha An Essay on the Human Soul, 1772, seguido de A Philosophical Essay on Man , 1773. Escritos para combatir el materialismo, serán refundidos después en De l’Homme, Amsterdam 1775. En seguida publica sus famosas Chains of Slavery, 1774 (ya con el lema Vita impendere vero), y dirige una carta en francés a John Wilkes, felicitándole por sus campañas antiministeriales. Habiéndose doctorado en Medicina en Edimburgo, publica una serie de trabajos de tipo médico, y en 17777 es nombrado médico de la guardia personal del conde de Artois. En 1778 dirige a varias Academias su memoria Découvertes sur le Feu, l’Electricité et la Lumière, publicada en Paris el año siguiente. Sigue otra memoria Découvertes sur la Lumière, sobre la que la Academia de Ciencias de Paris aplaza eternamente su judicio, dando lugar a grandes polémicas y al disgusto del autor. Goethe elogia estos trabajos, lo mismo que otros cientificos, como el mineralogista Jean-Baptiste Romé de Lisle, cuya relacion con Marat estribaba en que éste habia sido su oftalmólogo. Una revolución ginebrina en los años siguientes afecta a la familia Mara. El padre, Jean, muere en 1783.

Charlotte Goëtz-Nothomb dedica un capítulo a David, otro de los hijos, nacido en 1756, y que cumplirá también una carrera extraordinaria. Depués de algunos años de intentar establecerse en Neuchâtel como téologo, en 1784 parte para San Petersburgo ya que habiá sido nombrado preceptor de los hijos del chambelán, principe Vassily Petrovitch Saltykov. À partir de 1793, David Mara se hará llamar David Boudry. Publicará libros importantes de Gramática, y será profesor, entre otros, de Gontcharov, futuro suegro de Putschkin. Intentó también el comercio, pero fracasó. En la docencia, en cambio, su nombre se hizo notar: no sólo fue el maestro particular de grandes familias, sino que fue titular en centros oficiales, como el Instituto de Santa Catalina, 1803, el Gimnasio provincial de San Petersburgo, 1806, y en fin, de 1811 a 1817 en el Liceo Imperial enseñará ortografia, gramática, sintaxis y literatura francesa, además del arte oratorio, a la primera promoción del Liceo, que es la de Putschkin, y la de Danzas, Delvig, de Broglie, Gortchakov, Giruev, Ilichevski, Iudin, Korf, Kuchelbecker, Lomonossov, Malinovski, Latiuchkin, todos ellos nombres importantes de la cultura russa en los comienzos del siglo XIX. Las hijas de David también tuvieron relevancia a este respecto.

Charlotte Goëtz-Nothomb trascribe y publica a continuación la correspondencia cruzada entre Jean Mara, Ostervald y la STN, en los años 1769-1782, con lo que nos proporciona una importante contribución a la historia de la edición y de la cultura europea, en el sentido de los grandes estudios de Robert Darnton. En un anexo final reconstruye lo que llama la lente aparición de los documentos auténticos, y un «postfacio» insiste sobre la familia de Marat, su unidad y significación. Ya no será posible volver a repetir las tonterias habituales, aunque está demostrado que mucha gente tiene la cabeza muy dura. El libro se enriquece con una buena bibliografiá (libros y artículos), una serie de ilustraciones con su índice, y otro índice onomástico, geográfico y temático, muy completo. Ademas cada uno de los volúmenes lleva su indice particular de materias. Ni que decir tiene que el conjunto de la obra, en la que hay muchas más cosas que las que yo he podido recoger, es extraordinariamente valioso.

________________________________________________________________________________


Cahiers d’Histoire, Paris - 2001


«Chantiers Marat 7 et Marat 8» : Marat en famille – La Saga des Mara(t) I et II


Sous la conduite de Jacques De Cock et de Charlotte Goëtz-Nothomb, les éditions POLE NORD de Bruxelles ont entrepris depuis 1989, la publication «d’ouvrages de et sur Jean-Paul Marat» établissant une édition en 10 volumes de ses Œuvres politiques, 1789-1793, poursuivie de 1989 à 1995, en même temps qu’une collection «Chantiers Marat» en 8 volumes composés de différentes études concernant Marat, échelonnés de 1990 à 2001.

L’un deux, dû à Charlotte Goëtz-Nothomb, publié en 1990, s’attachait au père de Marat ; rapidement épuisé, il est repris ici sous une forme élargie. L’objectif recherché «était de redonner une famille, sa famille, à J.-P. Marat, en lui restituant d’abord un père réel, afin de mettre un terme aux erreurs et errances sur son milieu d’origine» alors que «les idées fausses sur Marat parasitent aussi bien son parcours politique que sa vie privée et familiale» (avant-propos du tome 1, p.1). Pour cela, l’auteur s’est livré à une quête assidue de documents authentiques, d’ailleurs toujours à poursuivre, dont une annexe au t. 8 «restitue leur approche» et dont un grand nombre est reproduit en fac-similé.


A partir de sources archivistiques multiples, des Archives épiscopales de Cagliari à la Bibliothèque nationale de Saint-Pétersbourg en passant par diverses archives helvétiques, Charlotte Goëtz-Nothomb retrace les origines sardes et la carrière ecclésiastique du père de Marat, Jean Mara, pédagogue, lettore de arte de l’ordre de la Merci, puis sa rupture avec l’Eglise sarde et son départ pour Genève où il se convertit au calvinisme et épousa une protestante d’origine française, avant de s’établir dans la principauté de Neuchâtel, pour revenir finalement à Genève. Neuf enfants lui étaient nés, dont deux firent carrière à l’étranger, auxquels l’auteur s’attache particulièrement dans le tome 8. Jean-Paul, bien sûr, mais aussi David, qui, sous le nom de de Boudry, s’installe en Russie en 1784, exerçant notamment le métier de précepteur et de professeur, en particulier au Lycée impérial de Tsarskoïé-Sélo où il eut, entre autres, Pouchkine pour élève… Malgré cette dispersion, des liens furent maintenus entre les membres de la famille ; c’est ainsi qu’une sœur de Jean-Paul vint à Paris après l’assassinat de son frère pour soutenir la veuve de celui-ci, Simonne Evrard, et partager avec elle la défense de sa mémoire. Ainsi, grâce à ce recours – ce retour – aux sources immédiates, le «filtre de la légende noire (de Marat) disparaît et avec elle l’image d’une famille pathologique».

Maurice Genty


Histoire de l’Education (extraits)

Institut national de Recherche pédagogique  - Paris - 2001


«Chantiers Marat 7 et 8» : Marat en famille – La Saga des Mara(t) I et II


Dans la famille Marat, le plus demandé est Jean-Paul, le Conventionnel assassiné dans sa baignoire. Son frère David jouit aussi d’une petite notoriété comme professeur au Lycée impérial de Tsarskoïe-Selo, où il eut notamment Pouchkine pour élève. Le père Jean, Sarde émigré en Suisse, n’a laissé que des traces éparses d’une vie dont Charlotte Goëtz-Nothomb s’est attachée, pour la première fois, à reconstituer le fil. Son livre se propose d’éclairer la biographie de ces trois personnages à partir de documents originaux, pour rectifier les jugements haineux ou simplement hasardeux qu’ils ont inspirés aux biographes de l’Ami du peuple, notamment Eric Walter et Jean Massin, mais aussi, avant eux, Michelet, évoquant d’un air pincé le «marais» familial d’où il voyait aimablement sortir le «batracien» Jean-Paul.

Cette investigation dans les archives – sardes, suisses, russes – présente, pour l’historien de l’éducation, un intérêt non prémédité et tout à fait collatéral, mais fort précieux, à notre sens. Elle témoigne en effet de la présence protéiforme de l’éducation comme activité professionnelle exercée par des individus aux statuts les plus divers, à titre occasionnel ou permanent, principal ou accessoire. Juste avant que se mettent en place les systèmes éducatifs nationaux et leurs armées de fonctionnaires, l’exercice d’une activité enseignante se révèle comme un moyen tout à fait ordinaire de gagner sa vie parce que, dans l’Europe développée du XVIIIe siècle, la demande éducative est si forte, et porte sur des objets si nombreux, que ceux qui se sont constitué un quelconque capital de connaissances peuvent trouver dans l’enseignement un «débouché», comme le dit un néologisme du début du siècle, révélateur par lui-même des perspectives de gains, petits ou grands, qu’offre de plus en plus massivement la possession d’un savoir. Qui plus est, le hasard de la biographie des trois Marat met bien en lumière la dimension européenne de ce marché éducatif, avant que la création des systèmes nationaux ne le segmente durablement.


Né à Cagliari en 1704, dans une famille d’origine espagnole, le père, Jean Mara(t), fait des études en Espagne et en Sardaigne et devient moine (ordre de la Merci). Après avoir été enseignant (lettore) dans son couvent, il émigre en 1740 à Genève, où il se convertit au calvinisme. Il y perfectionne son français, se marie et prend des leçons de dessin «en espérant, dit-il, que ce talent lui fournira un moyen de gagner sa vie». Jusqu’à sa mort (en 1783), il exercera successivement ou simultanément à Genève, Yverdon ou Neuchâtel, les activités suivantes : peintre, dessinateur et coloriste dans des fabriques de toiles de coton imprimées, maître de langues italienne, espagnole (castillan) et portugaise, traducteur, informateur et recruteur pour la Société typographique de Neuchâtel, médecin, professeur de dessin, d’histoire et de géographie, et maître de pension. Les actes officiels le concernant ne le qualifient pourtant, le plus souvent, que de «dessinateur» ou de «maître de langues», ce qui montre bien le caractère trompeur, car ponctuel et partiel, des informations de nature professionnelle que l’on y rencontre au XVIIIe siècle, et les graves erreurs d’analyse auxquelles on peut ainsi être conduit.

La profession enseignante est celle qui attire le plus Jean Mara(t), mais il souligne la concurrence exacerbée que connaît le milieu éducatif dès le milieu du siècle : «Quoique Genève soit un grand théâtre, la multitude des donneurs de leçons dont elle abonde rend leur moissons fort petite ; les étudiants, les proposants [futurs pasteurs], les ministres [du culte] même, tous s’en mêlent ; et leurs seuls titres les rendent plus recommandables à tant d’autres, auprès même des étrangers, sans discernement quelconque» (1775). On voit bien, dans un texte de ce genre, l’aspiration des détenteurs laïcs du savoir à bénéficier, à l’instar des pasteurs, d’une certification de leurs compétences qui soit universellement reconnue, au lieu d’être à la merci d’évaluations d’une clientèle qui ne fait pas nécessairement preuve de constance, ni du plus grand «discernement». L’empire pris par les diplômes et les concours de recrutement, au siècle suivant, s’appuiera donc sur une aspiration ancienne des enseignants eux-mêmes.

Pour sortir du lot ordinaire des «donneurs de leçons», -  en 1769, il déclare assurer chaque jour «six heures de leçons en divers genres, outre quelques consultations de médecine» - J. Mara(t) essaye, par trois fois, d’acquérir une position plus stable. En 1758 puis en 1767, il se porte candidat à un poste de régent du collège de Neuchâtel, où étudie son fils Jean-Paul ; la première fois, il est battu de justesse par un candidat bordelais.

En 1774 – il a 70 ans… – il crée à Genève une pension comportant deux classes, l’une de «demoiselles», l’autre de «négociants» : il se propose d’enseigner, aux premières, la géographie et l’histoire «par leçons raisonnées» et l’italien «par principes» ; aux seconds, l’espagnol et le portugais «dont les maîtres sont si rares et le commerce assez commun dans cette ville». Mais il semble avoir du mal à trouver assez d’élèves pour faire prospérer son entreprise.

[…] David Marat(t), né en 1756, réalise en quelque sorte le destin auquel son père aspirait pour lui-même : il finira – non sans aléas, et au prix d’une nouvelle expatriation – enseignant fonctionnaire. Après avoir tenté en vain de devenir pasteur à Neuchâtel, il se rend à Saint-Pétersbourg en 1784, où on le trouve précepteur des enfants de diverses familles nobles ou bourgeoises. Il monte ensuite une fabrique de tissus d’or et d’argent, avec des ouvriers qu’il fait venir de Lyon, mais se trouve ruiné quand le port de ce genre de tissus est interdit en Russie.

Il revient alors à la fonction enseignante, exercée simultanément comme précepteur et comme professeur dans de prestigieuses institutions éducatives : institut de Sainte-Catherine, gymnase de Saint-Pétersbourg et lycée impérial de Tsarskoïe-Selo, dès son ouverture en 1811 ; dans ce dernier, il enseigne l’orthographe, la grammaire, la littérature française et l’art oratoire, et compose deux grammaires françaises «à l’usage de la jeunesse russe» sous le nom de David de Boudry, pour éviter celui de Marat, mal vu dans la Russie tsariste. Il y terminera sa carrière et sa vie, en 1821, avec un titre et un grade de «professeur de 7e classe», qui auraient fait rêver son père…

Tandis que Jean-Paul prolonge les activités paternelles dans les domaines de la médecine et de la science des couleurs, David semble hériter de ses intérêts successifs pour l’Église, l’industrie textile et l’enseignement… L’exploration du «marais» paternel donne ainsi un bon exemple de jeu entre investissement éducatif, héritage familial et mobilité sociale, déjà fort complexe en un siècle qui est à la fois celui de l’éducation et des révolutions, non pas parce qu’elles ont été réclamées, proclamées ou prophétisées par les uns ou par les autres, mais parce qu’elles correspondent à des pratiques et à des processus sociaux qui rentrent parfaitement dans le champ d’observation de l’historien, pour peu que celui-ci veuille bien s’orienter au plus près des acteurs.

Pierre Caspard

Dix-Huitième siècleParis - 2001


«Chantiers Marat 7 et 8» : Marat en famille – La Saga des Mara(t) I et II

par Charlotte Goëtz-Nothomb, Bruxelles, POLE NORD, 2001


Cette enquête passionnante révèle de nombreux documents inédits écrits ou iconographiques. Dans le sillage de la famille Mara (on sait que c’est Jean-Paul qui a ajouté le t lors de son premier séjour londonien), nous sommes entraînés de Sardaigne à Genève ; puis vers Neuchâtel, de nouveau à Genève, tandis qu’un des fils s’en va vers la France, un autre en Russie, à Saint-Pétersbourg, sans parler des enfants qui resteront en Suisse. Bref, le tribun de L’Ami du Peuple a eu une famille normale, ce qui devrait aller de soi, si de nombreux pamphlétaires, que l’auteur cite largement, n’avaient pas imaginé on ne sait quels monstres enfantant le publiciste honni… Mais de plus, ce n’est pas un personnage indifférent que ce père qui avait d’abord été un moine dans sa Sardaigne natale, et un enseignant à ce titre. Son retour à la vie civile et sa conversion au protestantisme ont été provoqués par des conflits de préséance et de droits entre son ordre et les autorités, y compris des rivalités âpres entre ordres religieux eux-mêmes. En Suisse où, après sa conversion, il va pouvoir se marier, il mène une existence d’intellectuel, en relation avec la Société Typographique de Neuchâtel - celle qui s’est occupée d’imprimer la 3e édition de Raynal, rappelons-le (bien qu’il n’en soit pas question ici), faisant notamment des traductions de l’espagnol. Précisément, un des apports de cette recherche, c’est la publication de 18 lettres de Jean Mara à Ostervald, un directeur de la Société Typographique, données ici en transcription, mais aussi en photographie. Un autre chapitre non moins révélateur concerne le frère de Marat, David, et sa longue vie en Russie. Il est assez émouvant d’en découvrir un portrait au dessin par Pouchkine. Bref, un travail utile et rigoureux, enrichissant, et qui, de surcroît, se lit comme un roman.

Yves Bénot


Centre d’Etudes du XVIIIe siècle – CNRS – Montpellier - 1997


«Chantier Marat 5»

Marat en entier et plus que Marat

Vrais et faux journaux de l’Ami du Peuple à la Bibliothèque de Lunel

Par Claudette Fortuny

Bruxelles, POLE NORD et Centre d’Etudes du XVIIIe siècle – CNRS – Montpellier – 1996


L’étude que Claudette Fortuny a consacrée à l’extraordinaire recueil Marat de la Bibliothèque de Lunel se rattache à un projet et aussi à une certaine tradition intellectuelle, qui remontent aux origines mêmes du Centre d’Études du XVIIIe siècle de Montpellier, créé il y a un peu plus de vingt-cinq ans par Jacques Proust.

Le projet était celui d’un Inventaire qui pût contribuer à rendre accessibles à la recherche des fonds régionaux d’imprimés anciens, d’une exceptionnelle richesse mais souvent à l’abandon. Cette entreprise, longtemps mal assurée, devait progressivement gagner en rigueur grâce notamment au travail de Claudette Fortuny, et sa portée s’en est trouvé accrue, d’autant qu’après le soutien du CNRS, elle a reçu celui de la Direction des bibliothèques et de l’information scientitfique et technique, puis de l’Association Sibil-France, quand a commencé l’informatisation des bibliothèques universitaires.

L’expérience aidant, plusieurs des idées qui avaient inspiré ces travaux avaient pris de la consistance au sein de notre équipe, bien qu’elles aient été longtemps peu familières aux spécialistes de littérature moderne : l’intérêt de prendre en considération l’ensemble de la production imprimée, et notamment de la presse périodique, et surtout les multiples enseignements à tirer de l’analyse des supports matériels de l’écrit, pour qui tente d’éclairer les conditions de sa production et de sa communication.


A cet égard, le travail de Claudette Fortuny conduit de manière particulièrement démonstrative les études techniques jusqu’à des résultats qui permettent d’évoquer l’existence quotidienne, pleine de mouvement et de fureur, d’une entreprise de presse à l’époque révolutionnaire. Mais on pourrait faire une remarque analogue à propos de la minutieuse enquête qui a permis de reconstituer l’activité passionnante des collectionneurs au cours des décades suivantes.

Voici donc, sous un volume modeste, le produit de longues recherches, favorisées au cours des années par la compréhension bienveillante de la municipalité de Lunel. Ajoutons que parmi les nombreux échanges et consultations qui ont permis cet aboutissement, la coopération avec l’équipe de Pôle Nord a été particulièrement précieuse, et s’est étendue bien au-delà de ce qu’impliquent d’ordinaire les relations avec un éditeur.

Georges Dulac


Studi Francesi – Italia - 1997

(extraits traduits de l’italien)


Jean-Paul Marat

Les Chaînes de l’Esclavage (1793) – The Chains of Slavery (1774)

Présentation par Charlotte Goëtz-Nothomb et Jacques De Cock

Bruxelles, POLE NORD, 1990


Si l’historiographie de la Révolution française peut compter quelques «dantonistes» et de nombreux «robespierristes», il est avéré qu’il n’existe pas de «maratiste»… […]


Le procès anti-Marat s’est développé bien avant sa mort, sous l’impulsion des Girondins qui le mettent en accusation en avril 1793. Avec Louis XVI, Marat est le seul à avoir eu droit à un appel nominal, avec les voix et les commentaires le concernant, de toute la Convention. Entre vertu patriotique et passion furieuse, le répertoire des sentiments que la postérité continue à lui assigner s’est très rapidement figé. Et aujourd’hui encore, relativement à Marat, domine un sentiment d’hostilité générale, teinté de colorations très diverses : ironie, silence, attaques directes ou voilées.


Il n’en va pas de même pour les éditeurs de ses Œuvres Politiques  en 10 volumes (Bruxelles, POLE NORD, 1989-1995), dont l’ouvrage sous rubrique constitue un tiré à part très significatif. Le choix en revient à POLE NORD, association de chercheurs belges, laquelle a supporté les frais de l’édition, ce qui en dit long sur l’absence d’intérêt de la part des éditeurs et des organismes officiels…

Des commandes leur sont parvenues du Japon, de Grande-Bretagne, de Suisse, d’Italie et d’Allemagne et les Français sont restés dans l’expectative : Marat est tellement peu porté à encourager les progressistes et les libéraux, et puis une recherche du lien entre sa pensée et celle de Rousseau est reçue, à l’intérieur du quadrilatère, comme une provocation blasphématoire.


Charlotte Goëtz-Nothomb et Jacques De Cock n’ont en aucune façon manqué de courage en restituant dans son intégralité la voix d’un homme qui plus que de mettre la révolution en actes l’a mise en paroles. C’est sur la base de leurs immenses efforts que les écrits de Marat peuvent s’ouvrir à une grande tradition refoulée de la pensée politique française qui va de Montaigne et La Boétie à Montesquieu et à Rousseau, une tradition qui respecte les faibles et réfute le fait de conférer à un État de droit l’autorisation de légiférer sur tout, une tradition enfin qui considère que si elle ne prend pas de précaution opportune, la France qui a vécu sous le despotisme pendant des siècles, finira par apparaître aux yeux ébahis du monde, comme le principal pays de culture et de propagation du despotisme international.

Les Chaînes de l’Esclavage, confrontées aux Chains of Slavery permettent d’entrer correctement en contact avec les idées pré-révolutionnaires de Marat, d’en évaluer la validité et la durée. Entre les deux documents, il y a continuité et rupture. Dans la version française, le plan primitif de l’œuvre est totalement respecté et pour ainsi dire «purifié», en ce sens que la critique de la Constitution anglaise est renvoyée en fin de volume, ce qui lui confère une sorte d’investiture en tant que traité de philosophie politique. Mais, nous avertissent à point nommé les éditeurs, bien des passages qui sembleraient écrits après la révolution, appartiennent à la première version, démontrant que Marat avait déjà tiré les enseignements des révolutions précédentes, tandis que des textes moins engagés et plus théoriques datent de 1792.

Michel Vovelle n’a pas pris garde à ce risque, lui qui, dans le chapitre Marat avant la Révolution de ses Textes choisis (Editions Sociales, 1973) utilise l’édition de 1793 des Chaînes de l’Esclavage, reproduisant sans hésiter quelques passages qui ne figurent pas dans l’édition anglaise de 1774. Qu’est donc bienvenu le texte mis en parallèle !

Marisa Ferrarini


La Quinzaine littéraire (extraits) Paris - 1995


Jean-Paul Marat : Œuvres Politiques 1789-1793

Edition en 10 volumes établie par Jacques De Cock et Charlotte Goëtz-Nothomb

Bruxelles, POLE NORD, 1989-1995 - Diffusion : EHESS


S’il est une figure emblématique de la citoyenneté surveillante et délatrice, ce fut bien celle de Marat et de son double, L’Ami du Peuple, sa propre mise en scène de sa position de chasseur poursuivi et de tribun ostracisé. À ce jour, les meilleurs travaux ont porté sur son tombeau, cette mort exhibée et célébrée, tandis que l’œuvre du chroniqueur et ses textes politiques sont restés en marge. Une historiographie passionnée. Cette lacune a piqué la curiosité de Jacques De Cock et de Charlotte Goëtz-Nothomb qui, à l’origine, avaient organisé à Bruxelles, une exposition sur la Révolution française et cherchaient un personnage qui put l’incarner et permettre un emploi des textes et des mots du temps. Dès lors, dans l’isolement et hors de tout soutien financier et institutionnel, ces deux chercheurs collectèrent des années durant textes et comptes rendus. […]


Ils viennent de livrer, en dix tomes reliés, de très belle facture, la première édition savante et complète des Œuvres politiques de Jean-Paul Marat 1789-1793. Il faut saluer cette performance quand on sait que le doyen Godechot, certes prudent mais homme de science et d’expérience, y voyait la tâche d’une équipe du CNRS sur quelque quarante ans.

Désormais on dispose d’une édition scrupuleusement chronologique des 685 numéros de L’Ami du Peuple, des 242 du Journal et du Publiciste de la Révolution Française outre les articles dispersés, les pamphlets, placards et discours divers prononcés à la Convention comme aux Jacobins. Cette quête poursuivie à travers toute l’Europe a impliqué aussi bien le recours à des manuscrits restés inédits qu’aux comptes rendus épars et contradictoires au sein de la masse des journaux de l’époque dont 56 ont été systématiquement dépouillés.

L’outil est remarquable car maniable (nous pensons aux 225 pages d’index des noms de personnes, de lieux et d’ouvrages mentionnés et identifiés avec le plus grand soin) et il s’accompagne de 2.200 pages d’un Guide de lecture qui permet de suivre les controverses, les textes auxquels Marat répond, parfois les classiques de l’historiographie quand elle s’est emparée de tel ou tel élément. On prend aussi connaissance de la correspondance de Marat, car son réseau d’informateurs participe pleinement du travail du «publiciste». […]


Dès 1790, Marat a une position qui n’est fondée ni sur l’utopie sociale ni même sur un projet politique. Job plus que Moïse, il n’est pas Jacobin au sens classique. Ses appels réitérés à la vigilance «C’en est fait de nous», «On nous endort», «C’est un beau rêve», «L’affreux réveil» sont en prise sur l’événement et, élément décisif, malgré quelques convergences avec les Cordeliers qui le soutinrent en 1792, il reste externe à toute politique construite, même en réponse à la faction du pouvoir, les Hommes d’État qu’il dénonce. On sait la force d’expression de ses textes. […]


Bien que répugnant à donner un texte conclusif, et c’est tout à leur honneur, Jacques De Cock et Charlotte Goëtz-Nothomb ont su mettre en évidence une cohérence non réductible à la seule violence verbale car sa démarche permet «d’élaborer des formes dans lesquelles la souveraineté populaire, condition sine qua non du développement historique va pouvoir se développer».

Maïté Bouyssy

The Times Literary Supplement  - London - 1995


Jean-Paul Marat : Œuvres Politiques 1789-1793 – Ten volumes

Edited by Jacques De Cock et Charlotte Goëtz-Nothomb


Les Chaînes de l’Esclavage (1793) – The Chains of Slavery (1774)

Edited by Jacques De Cock et Charlotte Goëtz-Nothomb


Marat and Violence

A limitless love of self

Marat’s grim view on human nature


Cover: “Death of Marat” – Jacques-Louis David


However he has been posthumously portrayed (as the pallid martyr of Jacques-Louis David’s painting, serenely accepting that the price of liberty may sometimes be death ; or the baleful lunatic of modern theatre, nihilistic in his conviction that popular sovereignty means that anything goes ; or more recently, as the vengeful hack whose vicious pen did so much to make 1789 altogether consequentially benign than 1776), Jean-Paul Marat has always stood for the unacceptable face of the French Revolution. It is not too difficult to see why.


In some circumstances, he wrote, it may be necessary to train the people to shake off the yoke of morality, in order to forestall any misgivings it may have when it comes to shattering the yoke of tyranny. Since abuses arise in even the well most ordered of states, there will be times when the people will have to obey an « energetic feeling » which, intermittently, will override all others. That imperative feeling is the need for self-preservation. It is embodied in the maxim salus populi suprema est lex, a maxim which, Marat wrote, is prior to all morality and justice, «sanctifying» whatever may be necessary for its execution. To preserve itself, a people may have to suspend «the empire of laws and social justice» and, «by an immediate act of sovereignty, exterminate those abuses that threaten its survival».

Even e fairly short selection of dicta like this makes it hard not to notice that there may have been something rather deliberate and purposeful in the purges, trials and executions which, 200 years on, still make the Terror an archetype of later, more industrially sophisticated, forms of human carnage. But, as several of his contemporaries noticed, many of Marat’s more bloodcurdling pronouncements echoed (if they did not simply repeat) the political recommendations of the sixteenth-century Florentine republican Niccolo Machiavelli. Liquidating the enemies of liberty in republican France amounted to applying Machiavelli’s about what to do with the sons of Brutus in the more capacious and socially diverse setting of a large, territorial state. This combination of ancient republicanism in a modern European state has always made the Jacobin terror something of conundrum. If Marat was odd, his oddness has less to do with his effortless ability to damn himself as an apologist of republican Realpolitik than with the fact that the place in which he acquired so much authority and power was not Rome in the age of the Gracchi, but France in the late eighteenth century. It has always been somewhat baffling that the culture that gave us Jean-Baptiste Greuze could also have given us Jean-Paul Marat.


Put like that, the question is probably unanswerable (and may serve only to generate vague of ruminations about the Enlightenment and his relationship to the Third Reich, the Soviet Union or modernity tout court). But Marat himself provided some clues about his political and intellectual provenance. Many of them can now be gleaned fron the ten-volume collection of everything that he published between 1789 and 1793, edited by Charlotte Goëtz-Nothomb and Jacques De Cock and supplemented by a separate volume containing a very skilfully laid-out parallel edition of the English (1774) and French (1793) versions of his Chains of Slavery. This edition is bound to be the starting-point for any attempt to make sense of Marat. It is, however, confined to what he produced during the period of the Revolution itself, and, although it may be a little churlich to complain when so much devotion has obviously been lavished on this edition, Marat often repeated that he had made up his mind about politics well before he settled into his role of censor of the crimes and misdemeanours of the great and powerful, first with Le Publiciste parisien and then, famously, as L’Ami du peuple. In this respect, he was certainly right. Even this collection contains enough to show that everything he advocated in 1792 and 1793 was already there in 1789.


Marat was surprisingly indifferent to the institution of monarchy and unmoved by the existence of noble titles (warning that their abolition in June 1790 was a needless provocation). He condemned the National Assembly’s decision to confiscate and sell off the property of the Church to fund the state’s debts, arguing that the land in question would be better used to meet the needs of the propertyless poor, who, he argued, were meant to be the original beneficiaries of the charitable bequests which the Church had accumulated. He opposed the abolition of guilds, warning that unlimited competition would force down producers’ incomes and the quality of products. He expressed warm admiration for the system of defensive fortification devised by the Marquis de Montalembert (like Marat, a strong advocate of the rights of « plebeians », in opposition to the sleaze he associated with Marie-Antoinette and the royal court), arguing that its adoption would make it possible to cut the size of the regular army by half, leaving the first line of defence to a national militia made up of members of the national guard. All this makes it seem that Marat’s republicanism was a system consisting of a familiar mixture of popular sovereignty, honest industry, moderate prosperity, a meritocratic hierarchy of ranks, a patriot king and a common concern for the public good.


If that was all there was, it would be easy enough to position Marat on the outer fringes of a tradition of republican moralism which took its cue from the works of James Harrington (if not Machiavelli himself) and, in the eighteenth century, found expression in an abiding French interest in the political thought of Henry St John, Viscount Bolingbroke, and the Newcastle divine John Brown, acquiring its greatest local resonance in the works of Condillac’s brother, the abbé Gabriel Bonnot de Mably (for whom Brown’s work was more « profound » than anything else he knew).


But although Marat seems to have had some regard for Mably (commenting that if there had to be a Pantheon for the remains of great men, then he, along with Sully, Belsunce, Catinat, Villars and Montesquieu would be better fitted for the honour than the younger Mirabeau or Voltaire), and may have come across Brown’s works during the time he spent in Newcastle in the 1760s (where he wrote The Chains of Slavery), he diverged very sharply from them in his characterization of the nature and purpose of a political society.

Unlike Mably (or Brown), Marat did not think that the purpose of government was to curb and contain some of the more unprepossessing features of human nature by building as strong a set of checking mechanisms into the relationship between rulers and ruled as was feasible, in order to salvage something of the originally altruistic and benevolent motives underpinning human society from the ravages generated by property, increasing population and social inequality.


Marat flatly denied that human beings are naturally benevolent or “sociable”. In the draft of a Declaration of the Rights of Man which he offered to the National Assembly in August 1789, he began by stating that “every man at birth brings into the world his needs, a capacity to meet them, to reproduce, a constant desire for happiness and a limitless love of himself, an imperious sentiment upon which hangs the preservation of the human race, but which is also a fertile source of quarrels, fights, violence, outrage and murder, in short, off all the disorders which seems to disturb the order of nature and really do disturb the order  of society.”


He had written exactly the same thing (in almost the same words) in his first published work, A Philosophical Essay on Man (not included ion this edition), which appeared in 1773 and then in a three-volume translation entitled De l’Homme, published in Amsterdam in 1775. This bleak rejection of natural human benevolence placed Marat on the same side as the two political philosophers whose work he repeatedly invoked, Montesquieu and Rousseau. But Marat went much further than either of them in denying any altruistic motivation in human association, claiming, contrary to Rousseau, that even pity was not a natural human sentiment. It could not, therefore, be used as the starting-point of a system of political obligation able simultaneously to generate the social virtues and preserve as much of original human independence as possible. Human society, according to Marat, was the product of a powerful instinctive drive for self-preservation, making any society’s chances of survival dependant of his capacity to meet the needs of all its inhabitants in full, all the time. Raising the stakes so high made Marat’s republicanism a case of unity or bust.


At first sight, this seems rather strange. Preserving everybody’s capacity to preserve themselves  while preventing anyone else is not exactly an eccentric objective. But, as Marat emphasized in The Chains of Slavery, combining this objective with the republican model of government which best fitted natural human independence called for guaranteed property rights and constant civic vigilance. Without them, the instinctive human preference for life over death would force the propertyless into dependence on those who supplied them with the means to live, generating cycle upon cycle of social and political violence.

The Chains of Slavery was simply a chronicle of this grim process, taking its cue from Rousseau’s second Discourse and reinforcing its argument by postulating an instinctive drive for self-preservation as the motor of human history. A nation, wrote Marat in a note of his Offrande à la patrie, his first contribution to revolutionary politics, is like a “terrible lion”. It had to be tamed, not mastered. Each of its members had a right to be fed, clothed, housed and to raise and establish its children decently. By ruling out any other durable mechanism of peaceful human association, Marat’s version of republicanism implied politics all the way down. L’Ami du people was simply this very stark theory put into practice.


Calling what Marat published between 1789 and 1793 political theory (rather than political invective) may perhaps stretch the imagination. But, as even The Chains of Slavery shows, his invective was grounded on more than mere spite. By placing so much emphasis on human society as a mechanism designed to underpin an instinctive drive for self-preservation, Marat seems to have drawn on his medical background to produce a much more naturalistic version of Rousseau’s social contract. If self-love was the only natural human feeling (even if it was complemented intermittently by the love that women show towards their children) and reasoned understanding was necessarily the product of experience and reflection, then a great deal of the original work of making human beings the creatures that they are had, as Marat emphasized in De l’Homme, to be done by instinct. A just society was simply one that allowed the instinctive human drive for self-preservation to coexist alongside that of others.


Like almost all of his contemporaries, Marat acknowledged that he did not know what instinct was, noting only that it belonged to the area of human (and animal) behaviour generated involuntarily by the nervous and muscular systems. The physical (or chemical) causes of these involuntary motions, and the relationship between them and the immaterial entity that is the human mind, were, Marat stressed, all unknown. But since they were the key to the human capacity for survival, understanding how they worked was unlikely to have been a matter of small importance. From this perspective, Marat’s interest in the rather weird ideas of Franz Anton Mesmer, the Austrian natural scientist who claimed to have discovered an immaterial fluid which, his admirers claimed, involuntarily generated the social capacities which make a species a species (animal magnetism), seems to fit his otherwise highly sceptical view of human nature. Seen in the context of the significance which Marat attached to involuntary human behaviour, mesmerism looks rather less like a curiosity and seems, instead, to have been one product of where the mainstream of eighteenth-century thinking about the fundamental properties of human nature had begun to move in the wake of the great controversies about the human capacity for society generated by the political thought of Hobbes, Montesquieu and Rousseau. Making sense of Marat may, finally, only bu building on the early work of Robert Darnton and others to get to a better substantive understanding of the common ground between natural philosophy and political thought in late eighteenth-century France.


This edition is bound to be the starting-point of any investigation into the constituents parts of the odd political compound which Marat created. The 6.500 pages of his own repetitive prose have been matched by some 2.000 pages of contemporary evidence about, and comments on, his career as a political journalist, pamphleteer and member of the Convention, making this collection one of the very available guides to what (despite the avalanche of publications commemorating the bicentenary of 1789) still remains the terra incognita of late eighteenth-century French political thought. Somewhat astonishingly. Marat now joins Robespierre and Saint-Just as one of the only three major political figures of the French Revolution whose speeches and pamphlets have been collected together into a single modern (twentieth-century) edition. Anyone wanting to find out what might have been at stake in 1789 or there-after is like a student of seventeenth-century British politics seeking guidance from (with all due respect) the collected works of Gerard Winstanley or John Bunyan rather than those of Thomas Hobbes or John Locke. One day, perhaps, the published and unpublished works of such major political thinkers as Emmanuel Joseph Sieyès and Condorcet (not to mention those of Barnave, Thouret, Brissot or Roederer, or any of dozens of other less well-known political pamphleteers) might be given the same treatment as, heroically, but rather mysteriously, has been lavished on Jean-Paul Marat.

Michael Sonenscher


Le Monde diplomatique – Le Monde des livres - 1995


Jean-Paul Marat

Les Chaînes de l’Esclavage (1793) – The Chains of Slavery (1774)


Dans le tome VII des Œuvres Politiques

Bruxelles, POLE NORD, Bruxelles, 1995, numéroté de la page 4167 à la page 4663


Cette édition bilingue d’un des classiques des Lumières reprend le texte anglais, tel qu’il fut d’abord publié à Londres en 1774 et la version française, qui ne vit le jour qu’en 1793 : comme le souligne l’introduction, «il existe entre ces deux documents et continuité et rupture», et leur confrontation nous permet de suivre l’évolution de la pensée de celui qui fut l’un des plus brillants pamphlétaires de la Révolution française. Jean-Paul Marat dénonce la tyrannie et les chaînes qui maintiennent les peuples en esclavage, une dénonciation qui garde des accents d’une étonnante actualité quand il évoque la corruption, la justice, les interventions armées.

Si les gouvernants «parlent de démocratie, ironise-t-il, c’est pour représenter le peuple toujours prêt à se livrer aux discours séditieux de quelques orateurs intéressés à le tromper».

Deux siècles plus tard, la dénonciation du «populisme» est l’expression de la même peur du peuple par les classes dirigeantes.

Alain Gresh

L’Hebdo (extraits)Neuchâtel - 1995


Jean-Paul Marat : Œuvres Politiques 1789-1793

Edition établie par Jacques De Cock et Charlotte Goëtz-Nothomb

Bruxelles, POLE NORD, 1989-1995


Boudé lors des manifestations du Bicentenaire, l’Ami du Peuple n’a pas dit son dernier mot.

Ce mois, douze volumes du journal que Marat publia presque quotidiennement, de 1789 à 1792, sont mis en vente chez Sotheby’s, à Londres, tandis que ses «Œuvres Politiques» sont éditées à Bruxelles. Jamais les écrits de Marat n’ont fait l’objet d’une telle publication scientifique.

[…] Tous les documents retrouvés en Ecosse jettent une lumière nouvelle sur le personnage, et, à travers lui, sur le mouvement révolutionnaire dont il fut le vigile de 1789 à sa mort. Contrariée par des erreurs typographiques et par la censure, l’édition originale du journal ne convenait plus au célèbre tribun qui prévoyait une réédition. Découverte providentielle pour les deux chercheurs belges de l’association Pôle Nord, à Bruxelles, qui ont entrepris l’édition scientifique complète des œuvres politiques de Marat.

Jean-Bernard Vuillème


Nouvelle Revue neuchâteloise (extraits) - n° 39 - 1993


Jean-Paul Marat : Œuvres Politiques 1789-1793

Edition établie par Jacques De Cock et Charlotte Goëtz-Nothomb

Bruxelles, POLE NORD


Parviendra-t-on un jour, à arracher Marat à la légende qui l’entoure ? Celle d’un révolutionnaire maudit, d’un malade mental, d’un barbare assoiffé de sang ? Voici deux siècles qu’obstinément perdure cette légende noire entretenue par les préjugés, l’ignorance et l’imagination.

De Marat, les historiens ne répercutent le plus souvent que les appels à l’insurrection, les formulations extrêmes, celles surtout de sa feuille C’en est fait de nous où, le 27 juillet 1790, il réclame «cinq à six cents têtes» pour attirer l’attention sur les dangers qui menacent la Révolution. Cette feuille provocante, en même temps qu’elle donne la parole au pamphlétaire, constitue aussi le point de départ de l’image négative qui lui sera accolée, même si elle ne fait pourtant que revendiquer, après beaucoup d’autres – Montesquieu, Rousseau… - une juste violence quand les sociétés civiles, les peuples ne sont plus protégés par la loi. Fallait-il, au demeurant, prendre à la lettre un texte régi à l’évidence par la métaphore ?

Depuis ce libelle, le nom de Marat est associé par ses ennemis politiques à tous les excès révolutionnaires, et en particulier à la fameuse Terreur d’État, instaurée pourtant après sa mort et totalement étrangère à sa théorie politique. La mort brutale et spectaculaire de l’Ami du peuple a mis un comble à cet enfermement du personnage dans une trajectoire de sang, qui obnubile toute approche nuancée de sa pensée politique.

Ce portrait figé, réducteur, transmis par des générations d’historiens et d’hommes de lettres – dont Lamartine et Michelet – nous dérobe les traits véritables d’une figure importante de la Révolution, d’un pamphlétaire et d’un théoricien remarquables.

Toujours au cœur des grands débats et en prise directe avec l’événement, l’Ami du peuple nous a laissé, avec près de mille numéros de son journal, un document chaud et spontané où revivent jour après jour les moments forts de la Révolution. […]


Figure riche et complexe, Marat attend ainsi, depuis deux siècles, d’être re-connu, re-situé, au-delà des clichés, des récupérations politiques abusives.

Les conditions d’une «réhabilitation» sont peut-être réunies aujourd’hui grâce à l’acharnement de deux chercheurs belges - Charlotte Goëtz-Nothomb et Jacques De Cock - qui explorent depuis quelques années dans ses moindres recoins le continent Marat. Ils se sont attachés en particulier à la lourde tâche d’éditer ses Œuvres Politiques. Les historiens disposeront de la collection complète des journaux, pamphlets, affiches, correspondances et discours. La publication du plus célèbre des journaux, L’Ami du Peuple, s’appuie sur la redécouverte en Ecosse de la collection du journal ayant appartenu à Marat et largement annotée de sa main. L’édition n’est pas limitée à la publication des seuls textes. Ceux-ci sont reliés au contexte qui les a fait naître à l’aide de documents d’archives ou tirés des journaux de l’époque. […]

Cette édition monumentale sera incontournable pour tous ceux qui prétendront évoquer l’homme politique.

Michel Schlup

Le Soir – Bruxelles - mai 1990


Une importante découverte de chercheurs belges :

Marat revu et corrigé par lui-même


Deux cents ans après sa mort – et grâce à deux chercheurs belges – la pensée de Marat, l’ «Ami du peuple» va enfin être rétablie dans son intégralité.


Au moment de sa mort, en juillet 1793, Marat préparait la réédition de son journal ; il corrigeait, annotait et complétait sa collection personnelle. C’est cette collection que Jacques De Cock et Charlotte Goëtz-Nothomb, les chercheurs belges de l’Association POLE NORD, viennent de découvrir dans les trésors d’une collection privée britannique.


Dès lors, l’édition des Œuvres Politiques 1789-1793 de Jean-Paul Marat, dont le premier volume a été édité par POLE NORD à l’occasion du bicentenaire, va pouvoir bénéficier de cet apport décisif.


Dans les biographies, dans les diverses histoires de la Révolution française, la rumeur raconte que Marat, au moment de tomber sous le couteau de Charlotte Corday, travaillait sur d’anciens numéros de L’Ami du Peuple. Personne n’a jamais, évidemment, pu produire de documents authentifiant le fait. Mais on a mis en vente, fait circuler plusieurs numéros tachés de sang, tous de juillet-août 1792.

Si tous ces numéros ensanglantés sont le tribut de la légende, il reste que la date, elle, n’est pas erronée, puisque l’Ami du Peuple a bien interrompu la correction à ce moment, ce que prouve la découverte de nos chercheurs. […]

Il serait trop long de retracer le cheminement qui a conduit le plus gros des œuvres de Marat… en Grande-Bretagne. Disons seulement que c’est le peu d’intérêt montré par les bibliothèques publiques françaises, et singulièrement par la Bibliothèque nationale, qui a conduit cette masse d’écrits entre les mains de collectionneurs privés anglais ainsi qu’à la British Library.

Aussi bien est-ce par un travail de recoupement patient, une véritable enquête à la Sherlock Holmes que les chercheurs de POLE NORD ont retrouvé la piste des textes qu’ils convoitaient… et celle de l’aimable  - et anonyme - collectionneur anglais qui a autorisé l’exploitation de sa collection à des fins scientifiques. Dès le tome 2, qui paraîtra cet été, l’édition des Œuvres Politiques donnera donc le texte corrigé, revu et augmenté par Marat lui-même.


L’ouvrage bénéficiera ainsi d’apports de toutes sortes. La collection de L’Ami du Peuple constitue en effet un document de tout premier plan qui, par les corrections, précisions, additions qu’elle contient, contribue à rétablir la pensée de Marat dans son intégralité et son intégrité.

Des corrections d’abord, Marat faisant justice d’innombrables coquilles et réintégrant de multiples errata. Des additions ensuite, car l’auteur a inséré entre les numéros de son journal des pages manuscrites avec les suites inédites de certains articles, des notes complémentaires précisant sa pensée, etc. Enfin, il indique en marge les passages qu’il considère comme les plus importants, signale l’impact qu’ont pu avoir certains de ses numéros, sélectionne, par l’indication de Mon histoire, les passages qu’il destinait à son manuscrit en chantier qui n’était rien moins qu’une Histoire de la Révolution.

Nos chercheurs auront eu droit, en prime, à quelques belles surprises, notamment dans le douzième volume, où sont rassemblés une série de pamphlets de Marat, un des plus beaux textes de ce dernier, ici encore, entièrement corrigé de sa main, l’Appel à la Nation du 15 février 1790, qui ouvrira le tome 2 des Œuvres Politiques

Claude de Groulart

De Morgen België - 9 mei 1990

Belgen ontdekken manuskripten van Marat


Twee Belgische onderzoekers hebben zopas in Groot-Britannië een belangrijk geheel van manuskripten ontdekt van Jean-Paul Marat, de omstreden politicus die met zijn vinnnige polemieken bekommentarieerde en extreem-linkse stellingen verdedigde en in 1793 tenslotte in zijn bad neergestoken werd.


De 12 volumes, een volledige verzameling van zijn krant L’Ami du peuple die Marat zelf met het oog op een heruitgave aan het verbeteren en het aanvullen was, is nu in handen van een Britse verzamelaar die anoniem wenst te blijven.

Jacques De Cock en Charlotte Goëtz-Nothomb van de vereniging POLE NORD en Club d’Etudes sur la Révolution française (Goëtz stelde zich ook burgerlijke partij tegen de stad Brussel toen die het lijk van de schilder David naar Parijs wilde overbrengen) willen met deze spectaculaire vondst de uitgave van een tweede bundel van de Œuvres Politiques 1789-1793 van Marat aanvullen. Naar aanleiding van de 200ste verjaardag van de Franse revolutie verscheen reeds een eerste deel. Het betreft een heruitgave die Marat, en na zijn dood ook zijn gezellin, wensten.


Uit de inventaris van zijn bezittingen onmiddelijk na zijn dood is gebleken dat Marat ook die geschriften in zijn bezit had. Deze dokumenten geraakten, na de dood van zijn zuster, verspreid en zijn onder meer in Britisch Library terechtgekomen waar bovendien de enige volledige kollektie van aanplakbijletten van Marat wordt bewaard.


In de Bibliothèque Nationale van Parijs wordt ook een reeks verbeterde drukwerken van Marat bewaard en uit de vergelijking van voormelde twee manuskripten blijkt dat deze nieuwe vondst van manueel verbeterde drukwerken een historisch belang heeft. Het betreft in totaal 4.000 pagina’s. De krant L’Ami du peuple werd immers onder moeilijke omstandigheden gedrukt en uit de verschillende kollekties in verschillende inktkleuren blijkt, dat Marat een nauwgezet en beheerst auteur is geweest die bovendien trouw bleef aan zijn visies en denkbeelden.



INTERVIEW DES EDITEURS

PENDANT LA PREPARATION DE L’EDITION POLE NORD DES

ŒUVRES POLITIQUES 1789-1793 DE JEAN-PAUL MARAT


L’interview accordée à Jean-Michel Minon (JM)

par Charlotte Goëtz-Nothomb (CGN) et Jacques De Cock (JDC)

est faite dans le cadre de l’émission “Champs Libres” à la Radio-Télévision belge

                                                   

© POLENORDGROUP

                                                

JM Charlotte Goëtz-Nothomb, Jacques De Cock, bonjour. La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, nous avions parlé de votre livre Le Pacte avec l’Histoire, paru aux Editions Universitaires à Paris. Et maintenant, depuis des années, vous vous êtes plongés dans l’histoire de la Révolution française, ou plus exactement dans l’histoire de Marat. Cela s’est passé comme cela, Charlotte Goëtz-Nothomb?

CGN Disons que notre intérêt pour la Révolution française est un intérêt permanent, parallèle aux autres centres d’intérêt. Cette grande période ne peut laisser personne indifférent pour contribuer à décrypter l’époque actuelle.


JM Pourtant, Jacques De Cock, n’avez-vous pas été surpris qu’en France en tout cas, en 1989, on ait quelque peu escamoté la figure de Marat…?

JDC   Surpris ? Non.

JM   C’était dans l’ordre des choses ?

JDC C’était dans la continuité de deux siècles d’historiographie de la Révolution française. Néanmoins, l’image de Marat a été mise en relief plus que je ne l’aurais pensé, mais d’une manière un peu générale. À l’occasion du Bicentenaire, on a vu apparaître un intérêt marqué pour la presse révolutionnaire, alors que les historiens avaient jusqu’ici exprimé un certain mépris pour ces feuilles qui paraissaient quotidiennement, dont les informations étaient peu sûres, qu’il fallait recouper…

On n’avait donc pas beaucoup étudié les journaux. Et tout à coup, une série de recherches, de plus en plus approfondies, sont menées sur les journalistes, leur manière d’appréhender les événements et l’image qu’on a d’une époque à travers les journaux.


JM Alors justement, Charlotte Goëtz-Nothomb, votre travail, vos recherches s’inscrivent dans cette direction et elles ont été couronnées de succès, puisqu’au début de l’année 1990, vous avez redécouvert, en Ecosse, un bien précieux texte.

CGN Oui c’était assez extraordinaire… Pouvez-vous imaginer qu’une collection des journaux ayant appartenu en propre à Marat soit retrouvée dans un château… un château de conte de fées, tout blanc, au fond de l’Ecosse. Sur les étagères de la bibliothèque de ce château reposaient les douze volumes de ces célèbres feuilles, corrigées de la main de leur auteur pour servir à une réédition.

JM   C’est capital, bien sûr.

CGN Oui, et nous avons eu beaucoup de chance, parce que Monsieur Cadell, “keeper of manuscripts” de la National Library of Scotland, nous a procuré l’occasion de pouvoir les consulter immédiatement. Vous comprenez, il fallait authentifier les volumes, être sûrs qu’il s’agissait bien d’une collection de Marat, corrigée par ses soins. Dans l’histoire des manuscrits de Marat, plusieurs collections du journal sont signalées, diverses hypothèses ont fleuri…

JM   Une œuvre éparpillée de toutes façons…

CGN   Un véritable puzzle! L’œuvre de Marat était un véritable puzzle et nous avons dû jouer les Sherlock Holmes pour retrouver des pièces disséminées un peu partout.


JDC Après l’assassinat de Marat, Charlotte-Albertine, sa sœur cadette, vient à Paris où elle vit pendant des années avec la femme de Marat, Simonne Evrard. Des papiers laissés par Marat est dressé un inventaire et après que des documents “intéressant la sûreté de l’Etat” aient été soustraits, ils sont confiés à sa veuve. Après la mort de Simonne Evrard, Albertine reste en possession de cet héritage. Elle reste à Paris, près du Palais de Justice, veillant soigneusement sur ces papiers. Ceux-ci ont commencé à attirer l’attention des collectionneurs vers 1820. Entre 1820 et 1840, Albertine, espérant une initiative éditoriale et cherchant aussi à placer judicieusement ces documents, les confie, soit à de jeunes chercheurs, soit à des collectionneurs qu’elle a cru sérieux, mais qui se sont aussi révélés de simples spéculateurs.


JM On sait que les collectionneurs peuvent jouer un rôle négatif, parce qu’ils soustraient les manuscrits qu’ils possèdent à la recherche et au grand public. Et donc, grâce à vous, ces textes retrouvés en Ecosse et que vous avez authentifiés ont été acquis par la Bibliothèque nationale à Paris.

CGN Oui. Les propriétaires, les comtes de Rosebery se sont décidés à remettre en vente les volumes authentifiés. La vente a eu lieu en novembre 1990 à Sotheby’s-Londres. Et la Bibliothèque nationale française en a fait l’acquisition, ce qui était une excellente nouvelle, car ces documents auraient pu repartir très loin.


JM   Voilà donc le fruit de longues recherches et maintenant, l’aboutissement, c’est, bien sûr, cette édition complète en dix volumes. J’imagine que c’est une autre aventure, parce que, finalement, vous éditez tout cela à compte d’auteur ?

JDC Nous avions fondé une petite association sans but lucratif, POLE NORD, qui a pris en charge l’édition. Aujourd’hui, dans le monde de l’édition, il n’y a plus d’amateurs pour ce genre d’entreprise.

JM   Vous dites cela ainsi, comme une évidence ?

JDC Oui.

JM Enfin, un personnage aussi célèbre, malgré tout, que Marat… ses Œuvres complètes. Aucun grand éditeur ne se précipite là-dessus ?

JDC   Aucun, ce n’est pas commercialisable au tirage minimum qui serait requis.

JM  Et une fois les premiers volumes publiés, avez-vous rencontré, du côté des universitaires, du côté des facultés d’histoire, un grand intérêt ?

JDC Au niveau international, cela se passe plutôt bien. C’est plutôt au niveau français que la résistance est plus âpre, à des exceptions près, bien sûr.

JM   Résistance au fait que ce soit édité par des Belges ou encore résistance à Marat ?

JDC C’est difficile à analyser. Si vous dites résistance à l’étude de Marat, pas un seul historien sérieux ne pourra admettre cela aujourd’hui, aucun argument valable ne pourrait appuyer ce point de vue…Et pourtant… Mais résistance au fait que cette édition soit établie en Belgique, par des personnes qui sont un peu en-dehors du domaine…


CGN Il y a peut-être aussi une mesure inexacte de ce que représente ce travail. Un avis assez répandu est que presque tout a été dit sur Marat, ce qui nous place devant un court-circuit, car pour nous, tout pas en avant dans cette recherche nous donne plutôt l’impression d’être devant un gouffre, une immensité de textes à rassembler, à classer, à décrypter et donc aussi un gouffre quant à l’interprétation à leur apporter qui ressemble à ce que j’appellerais “l’autre histoire de la Révolution française”, c’est-à-dire l’histoire populaire, cette vie politique qui naît, il y a deux cents ans, avec cette multitude de sociétés populaires, fraternelles, citoyennes qui débattent de la vie politique et au cœur de laquelle se trouve Marat. Et cette multitude de journaux… Cette histoire-là est très différente de celle que nous avons apprise. Et là, nous nous sentons à contre-courant…

JM … de l’histoire officielle ?

CGN   Oui, avec Marat, on se trouve en rupture avec l’histoire officielle.

JM   C’est l’histoire sous-jacente ?

CGN   L’histoire sous-jacente, la vie.

JM   Vous avez voulu, dans l’édition même, permettre un meilleur accès à cette histoire sous-jacente, par un Guide de lecture ? Vous avez voulu que l’on puisse retrouver la vie de ces archives…

CGN Il fallait d’abord que le lecteur ait accès au texte intégral, établi le plus rigoureusement possible. Là, nous n’avons modifié que des points de graphie, nous avons apporté une lisibilité. Il règne à l’époque, une très grande liberté à la fois au niveau de l’orthographe des noms propres et même des noms communs. Ensuite, il convenait de fournir des clés d’entrée dans cette matière nouvelle sur laquelle existent des documents qui étaient encore inconnus.


JM   Mais alors, l’image qui finalement ressort de tout ceci est très différente de l’image que l’on avait de ce Marat excité, pousse-au-crime…

JDC Pour cette question-là, le gros problème est de bien faire la part entre l’homme et l’image qu’il se construit. Dès que nous avons abordé l’œuvre politique de Marat, dès 1789, nous avons constaté qu’il a choisi de se donner un rôle dans la Révolution. Il se créée une image. Mais la grande erreur est de croire qu’il est “immédiatement” ce qu’il dit. Ainsi, en juillet 1790, quand il dit “Il faut dresser huit cent potences dans la cour des Tuileries et y pendre les ministres, etc.”, je ne crois pas un instant qu’il pense cela…

JM Mais de telles déclarations sont-elles en contradiction avec ses textes, avec ses textes théoriques ?

JDC Non, ce n’est pas en contradiction. Si on lit vraiment l’œuvre de Marat, on comprend pourquoi, à tel moment précisément, il décide de marquer un grand coup. Il dit délibérément “huit cent potences”, pour frapper l’imagination, pour rappeler juillet 1789, pour donner une mesure du chemin parcouru, pour signifier qu’en 1790, rien n’est gagné…


CGN  Il y a d’ailleurs un passage amusant où Marat lui-même explique qu’on le critique à cause de ses formulations outrancières. Il dit que cela fait partie de son rôle, qu’il faut qu’il “surenchérisse sur le peuple”, que jamais il ne parlerait de la sorte s’il pensait le peuple prêt à l’action. Il a un retour très conscient sur le propos qu’il applique. Il le formule dans un but précis, qui est, à un moment donné, de provoquer une réaction, d’amener les gens à oser s’affirmer sur la scène politique. De plus son style véhément est au niveau des interventions des autres journalistes, ce qu’on a perdu de vue aujourd’hui. L’univers médiatique n’est pas du tout le même.


JM Curieux décalage aussi entre l’image que l’on a, de manière très superficielle, de l’Ami du Peuple et puis l’image de ce peuple qu’il traite comme un enfant… Il l’aime, mais il le secoue, il le bouscule… le peuple!                                                                             

JDC Oui, c’est important, c’est une véritable relation impliquée. Ce n’est pas de la démagogie, tout au contraire. On va trouver beaucoup de passages dans les journaux, où il dit: Si tout ce qui se passe est en train de se passer, c’est parce que nous avons une chance phénoménale, parce que la providence est avec nous. Mais si vous continuez à vous comporter comme vous le faites, on n’arrivera à rien. Il renchérit: Vous êtes naïfs, vous êtes vaniteux. Dès que vous remportez un succès, la première chose que vous faites, c’est d’aller danser en chantant victoire. Et, à ce moment-là, vos ennemis se regroupent et reconquièrent le terrain. Marat veut faire l’éducation de ce peuple, dont il célèbre en même temps la force et le courage. On ne peut abandonner aucun des deux bouts de la corde, il les tient en mains tous les deux, tout le temps.


CGN  C’est une critique que nous rencontrons souvent, lorsque nous parlons de Marat. On nous dit: Mais l’éducation du peuple, c’est vraiment une utopie ! Là, il faut être très net. Pour Marat, il y a un pas historique à franchir et son point de vue affirmé est qu’il n’y aura pas de solution à l’histoire humaine, si les hommes en société n’affrontent pas les questions de la souveraineté des peuples et de leur émancipation. Et tout de même, il se base sur un possible: les événements de juillet ou ceux des 5 et 6 octobre 1789 sont de ces moments où le peuple s’est mis en action, ce qui amène de nouvelles situations.


JM D’autre part, l’image de Marat n’est-elle pas fatalement liée à sa mort, à ce qui s’est passé dans les jours, les semaines, les mois qui ont suivi l’assassinat par Corday ?

JDC Pour aborder cette question, il faut rappeler un phénomène assez curieux, peu connu et qui, tout un temps, a dérouté énormément d’historiens. Marat est placé au Panthéon au mois de septembre 1794 et il est dépanthéonisé en février 1795. Il s’écoule quelques mois entre la panthéonisation et la dépanthéonisation ! C’est vraiment extraordinaire, parce que cela donne à mesurer comment s’utilise une image. D’abord, on construit celle, quasiment divinisée, du trio des héros du Panthéon révolutionnaire: Le Peletier, Marat, Chalier. Leurs reproductions, leurs bustes, leurs paroles sont véhiculés partout, surtout sous l’impulsion des Thermidoriens qui s’en servent puis s’en débarrassent dès qu’ils n’en ont plus besoin. Mais Marat est-il cette image-là, lui qui n’aurait jamais voulu être panthéonisé ? Ou est-il bien autre chose ?


JM Continuons dans ce sens et venons-en à l’historiographie au XIXe siècle. Comment l’image de Marat s’est-elle imposée chez Michelet, chez Lamartine…?

JDC C’est très vite négatif. Un personnage plutôt occulté dans les premières histoires de la Révolution française, et puis Jules Michelet lance la ritournelle…

JM Qu’est-ce qu’il en fait ? un bouc émissaire ?

CGN  L’horreur ! “de la race des batraciens, un crapaud”. Et cette appellation fera long feu. Je me souviens de mon inscription aux Archives nationales à Paris. Je devais indiquer le sujet de mes recherches, j’ai dit: Marat.

Un vieux Monsieur qui se trouvait comme moi au service des inscriptions s’est tourné vers moi et m’a dit: “Vous n’allez tout de même pas faire des recherches sur ce crapaud !” Le jugement de Michelet, intact, cent ans plus tard.


JM Toute l’historiographie de droite, après, sera évidemment anti-Marat. Mais selon vous, on trouve aussi une grande injustice à son égard chez Jean Jaurès.

JDC Je ne sais pas si c’est une grande injustice. Le point de vue de Jaurès est cohérent. La gauche témoigne d’un anti-maratisme spécifique qui tient à la position de Marat sur la question de l’État. Sa position n’est pas du tout une position jacobine, ce qu’on oublie souvent. Marat n’a participé aux réunions des Jacobins qu’à partir des premiers mois de 1793, trois, quatre mois donc dans son existence. En fait, il est farouchement anti-jacobin. Il y a là une piste de recherche que nous partageons avec d’autres historiens et qui vise à mettre au clair ce que l’on entend par Les Lumières. On dit souvent: La Révolution française est fille des Lumières, donc fille de la raison triomphant de l’obscurantisme, etc. Mais cette raison, c’est la raison d’État. L’État fait apparaître cette époque comme une époque de transition, pendant laquelle celui-ci s’installe dans toute sa splendeur, rôdant ses rouages administratifs, ses procédures électorales, etc. Pour apparaître finalement comme triomphant. À partir de là, on énonce que la Révolution française a généré notre époque qui serait - beaucoup le pensent, même s’ils ne le disent pas -  l’époque accomplie de l’histoire.


JM  Alors, Marat, précurseur de l’anarchie ?                                  

CGN Pas du tout. Si je devais donner ma définition de Marat, je dirais que cet extraordinaire journaliste a surtout été, à travers ce rôle assumé, un théoricien porteur d’une analyse de la contre-révolution. Avec lui, il y a un retournement absolu de la vision que l’on a de la Révolution française. Une rupture intervient à un moment donné dans le tissu historique; sur cette rupture se greffe immédiatement un nouveau mode de gouvernement, mais ce Nouveau régime n’est pas garant, lui non plus, d’apporter une émancipation réelle aux populations, il peut parfaitement, sous une forme différente, redevenir un moyen d’oppression, un autre despotisme. Marat est immédiatement sensible à cela. Il a été formé à l’étude de la Constitution anglaise, il connaît les vices et les fragilités de tout système gouvernemental. Pour lui l’Ancien ou le Nouveau régime doivent être analysés, contrôlés avec la même rigueur. Ainsi, il lui arrive fréquemment de dire qu’on était mieux sous l’Ancien régime.


JDC Il y a un événement tout à fait spécial dans l’œuvre de Marat, c’est qu’il commence sa carrière politique en 1774, en publiant un livre en anglais intitulé The Chains of Slavery. Et il termine sa carrière politique en publiant en 1793, quelques mois avant d’être assassiné, un ouvrage en français, qui en est la traduction : Les Chaînes de l’Esclavage. C’est son ouvrage théorique, au sens traditionnel du mot “théorique”. Évidemment, il n’a pas publié cet ouvrage vingt après comme une simple traduction. Il l’a augmenté. Dans notre édition, les deux versions seront présentées en parallèle. En 1793, il parle du régime qui sort de la Révolution, en l’intégrant dans son analyse politique générale.

             

JM Vous espérez que pour le deux-centième anniversaire de la mort de Marat, il y aura une révision générale du personnage et de son rôle au sein de la Révolution?                                     

JDC Une révision, je ne pense pas. J’espère qu’il y aura une prise en compte.

CGN Moi, je crains qu’on ne vive encore une situation de répétition. Nous sommes tout de même fort seuls sur cette option qu’il faut aller vraiment plus loin pour recomposer une image cohérente de Marat, le sortir des légendes. J’aimerais qu’il n’y ait pas de travaux prématurés qui relancent les travers précédents: l’hagiographie rapide ou la dénaturation du personnage.


JM Je vous remercie. Pour terminer cette émission, nous allons écouter la chanson “Poor old Marat”, interprétée par Judy Collins et extraite de la version que Peter Brook a faite du Marat-Sade de Peter Weiss.

-------------------------------------------------------------------------------------------


ECHOS DANS LES MEDIAS


SUR DES ACTIVITES PUBLIQUES SUR MARAT,

ORGANISEES POUR LE GRAND PUBLIC PAR l’asbl POLE NORD


PRESSE - 1989

Le Soir, La Cité, La Lanterne, La Wallonie, Prestige, Vlan, La Dernière Heure, Libelle, Tintin, Bravo, Elle, Le Journal des Boulevards, The Bulletin…


RADIO - TV - 1989

«Ce soir» RTBF - Patrick Blocry - «Objectifs» - Pascal Goffaux

«Fréquence Elle» - Vangelis Yannopoulos - «D and D et JMB» - Marie-B. Doré

«Radio FM/Le Soir» - Myriam Garfunkel - «Radio Contact» - M. Kuider


PRESSE


L’article qui suit - qui avait bien amusé notre public, toujours curieux - a paru dans le journal Le Soir, rubrique «Bruxelles en scène», en février 1989 sous le titre:

«Marat nous écrit»


A cette date, un rédacteur du journal Le Soir de Bruxelles publie ceci:


«Le courrier recèle parfois de ces surprises… Pas plus tard qu’hier, tiens, savez-vous ce que je reçois ? Une lettre du citoyen Jean-Paul Marat !

Nous avions rendu compte de la première du spectacle L’Ami du Peuple qui lui est consacré et est basé sur ses textes. On aimait bien !

Mais tout le monde fut-il du même avis ?

Le courrier que nous adresse le citoyen Marat laisse entendre que le spectacle aurait fait grincer des dents quelques sempiternels adversaires. En quels termes? Voyons!

«Infâme, mille millions de fois infâme coquin… Perfide complice des ennemis

de ma patrie… Chef des brigandages souillé de mille crimes… »


Mais d’autres lecteurs de ses pages lui auraient témoigné leur estime:

«Digne défenseur de la patrie… Intrépide révolutionnaire… Implacable ennemi

de la tyrannie… »

Ces citations sont extraites de lettres que Marat lui-même a publiées dans son journal et, qu’en guise de clin d’œil, l’équipe du spectacle a envoyées aux journalistes qui avaient rendu compte de la première représentation


Voici les différents extraits rassemblés par Marat lui-même

dans son Publiciste de la République française.  Nous sommes en 1793 !

Le Pour et le Contre

Puisque je suis sur ce chapitre, il faut que je mette sous les yeux de mes lecteurs quelques-unes des lettres les plus originales dont je suis inondé chaque jour. Ils y verront l’extrême différence de l’opinion des Français sur mon compte.


A MARAT,

Digne défenseur de la patrie, ta position a un instant inquiété les vrais amis de la république. Chacun, en son particulier, craignait que le zèle que tu as manifesté pour la défense de nos intérêts, en dénonçant les traîtres, ne te devint funeste. […]

Mais aujourd’hui, tu as montré à nos ennemis la pureté de tes sentiments et les braves citoyens de Paris ont secondé notre intention, en te portant en triomphe dans le sanctuaire des lois. La société t’invite, au nom sacré de la patrie, à continuer ta vigilance, et tu mériteras éternellement le titre de père du peuple.

La société des amis de la liberté et de l’égalité de Belley


AU CITOYEN MARAT, DEPUTE A LA CONVENTION NATIONALE

FRERE ET AMI

Vous voir dénommé dans tous les journaux sous de très différentes couleurs nous fit dire : «Il a des talents supérieurs ou il est ami de la patrie». Dans ces deux cas, il n’est pas étonnant  qu’il soit calomnié, et persécuté. Comme lui, nous l’avons été et sommes encore à cause de notre civisme. Partant, il est un de nos frères, engageons-le à correspondre avec nous, ce sera une sentinelle patriotique que nous aurons de plus, toujours surveillante aux moindres mouvements de nos ennemis.

Nous aurons peut-être de fausses alertes, tant mieux, elles empêcheront les surprises, car l’homme sincèrement épris des charmes de la liberté est comme un amant jaloux qui s’affecte de la moindre chose, par la crainte qu’il a que les séductions de ses rivaux ne lui enlèvent l’objet de son amour. Voilà l’appréciation que nous avons faite des calomnies lancées contre vous.

Votre opinion sur le jugement de l’ex-monarque, que nous a envoyée le citoyen Lacoste, votre collègue à la Convention, nous a donné une plus grande certitude de vos lumières. Et a raffermi nos sentiments de fraternité et d’amitié à votre égard.

La société populaire des amis de la liberté et de l’égalité,

séante à Bort, département de la Corrèze


A MARAT,

Infâme, mille millions de fois infâme coquin, le plus vil des scélérats, quand ton digne peuple te porte en triomphe, tous les bons Français t’abhorrent. Je sais avec eux qu’on ne peut te punir par l’opinion. Il y a longtemps que tu as abjuré tous sentiments d’honneur, de probité, d’humanité mais ta tête impure, infiniment coupable, tombera, nous l’espérons, sous le glaive vengeur de la souveraineté nationale. Les poignards des assassins qui t’entourent et que tu aiguises continuellement ne t’en garantiront qu’un temps. Ton infâme et insatiable ambition te conduira à l’échafaud que tu as bravé jusqu’ici, quoique trop mérité, et à l’exécration des siècles à venir.

A L’AMI DU PEUPLE,

Brave Marat, autant ta disgrâce avait causé de douleurs aux sans-culottes de Nîmes, autant le nouveau triomphe que tu viens de remporter sur tes vils ennemis leur a porté de joie, c’est un témoignage que nous sommes chargés de te rendre en leurs noms. Nous te le portons avec empressement, persuadés qu’il te servira à vaincre tes détracteurs et les nôtres. […]


Que ta mâle éloquence, secondée de cette énergie qui te caractérise, fasse rentrer dans le néant tous ces partisans de l’intrigue, de l’ambition, qui ne sont rien moins que des contre-révolutionnaires.

Les membres du comité de correspondance de la société populaire de Nîmes


A MARAT

Perfide complice des ennemis de ma patrie, jusqu’à quand abuseras-tu, à l’exemple du Catilina romain, et de la patience et de la dignité du sénat français ?

Apprends que la nation française, jalouse de la dignité de ses représentants, va se lever toute entière, pour anéantir les factieux de Paris et relever sur leur ruine la majesté de la Convention. […] Tremble, tout est conjuré contre toi.

L’orage ne doit pas tarder à éclater, il vengera les crimes de Paris, réunis aux tiens, par la destruction totale de cette cité indigne de la liberté et odieuse à tous les Français. Déjà les fiers Girondins, et les féroces habitants du Jura, nés pour le fer et les combats, vont diriger leurs pas contre cette ville patricide.

Et toi, principalement, Marat, toi, l’auteur de tant de maux, quel tribut ne payeras-tu pas, toi, le chef des brigandages que nous punirons en gémissant. Malheur à toi, si la vengeance ne peut t’atteindre, c’est alors que ton cœur, souillé de mille crimes, c’est alors, dis-je, que toi, coupable plus qu’aucun et d’avilissement de la Convention et du sang de tant d’innocents, expiera justement dans les tourments dus au plus scélérat des hommes.

Le Républicain P. Yliape, de la société républicaine, séante à Orgelet


CITOYEN MARAT, SALUT

Pardonne si j’interromps un instant tes travaux pour te payer le tribut de la reconnaissance que te doit tout bon citoyen, tant pour [les] services que tu rends journellement à la chose publique que pour les peines que tu te donnes pour défendre la cause des opprimés.


Je te salue, homme respectable et simple comme la nature. Je profite d’un instant de liberté pour te faire part de la joie que m’a causée ton triomphe. Tu dois être convaincu que le vrai peuple n’est point ingrat. Il sait ce que tu fais pour lui, il t’a rendu justice. Tu peux donc compter autant de défenseurs et d’amis qu’il y a de vrais sans-culottes. Ils t’aiment et t’estiment ce que tu vaux. Sois assuré qu’ils ne souffriront pas que les coquins lâchés parmi eux par la faction infernale exécutent leurs projets. Ton existence les gêne, nous le savons. Ta vie est chère, ils le savent.

Continue en paix ton active surveillance et sois bien pénétré des sentiments des sans-culottes qui sont tels que, si tant d’efforts dirigés vers le bien commun devenaient inutiles et que toi et tes collègues fussent poussés à bout par l’infâme faction, tu verrais des milliers de défenseurs vous faire un rempart de leurs corps pour ménager des jours utiles à l’humanité.

Marigin

REPRESENTANT DU PEUPLE,

Courage, imperturbable Ami du Peuple, implacable ennemi de la tyrannie, reçois les assurances de l’éternel dévouement d’un de tes défenseurs.

Les intrigants sont parvenus à égarer encore une fois l’opinion de mes concitoyens, la société républicaine s’est encore une fois laissée endormir par le feuillantisme de nos hommes d’Etat.

Si nous eussions eu un exemplaire de la correspondance de Roland depuis le 10 août, […] le rolandisme, le brissotisme, le girondisme seraient anéantis. Nous espérons que tu n’abandonneras pas tes frères, tes amis.

Je pense, citoyen, que le meilleur remède à opposer à ce poison, c’est la lecture des patriotes qui, comme toi, écrivent, non pour soi, mais pour la chose publique. […]

J.B. Dutaut, secrétaire de la société républicaine, Legers à Fleurence


Observations de l’Ami du Peuple


«Je ne ferai que deux observations sur ces différentes lettres, les voici. Prétendre plaire à tout le monde est d’un fou, mais prétendre plaire à tout le monde, en temps de révolution, est d’un traître. Je n’ai jamais rien fait pour m’attirer des applaudissements des amis de la patrie mais je n’attache de prix qu’à leurs suffrages. Quant aux malédictions des ennemis de la liberté, je m’en ris. Ne pouvant les convertir, je désire les voir périr de douleur à l’aspect du triomphe de la cause du peuple.»