EXPOSE TRANSMIS PAR LECTEURS ET ANIMATEURS


Le peintre Jacques-Louis David et le journaliste Jean-Paul Marat 

Causerie - Cerclozip
par Charlotte Goëtz-Nothomb - 2019

© POLENORDGROUP 

Jacques-Louis David est cet artiste, peintre français, qui a longtemps vécu chez nous en exilé régicide. C’est lui qui a peint le tableau Marat assassiné, légué aux Musées Royaux des Beaux-Arts à Bruxelles. En 2016, le Conseil des Musées avait mis à l’honneur 100 chefs-d’œuvre de 41 musées bruxellois et choisi, entre autres, ce tableau de Marat comme affiche. La voici devant le Musée.
     
Je me souviens fort bien du moment où j’ai «rencontré» le Marat assassiné et de l’émotion immédiatement ressentie. Je suis retournée le regarder, le regarder encore, et l’émotion subsistait. 
Plus tard, il m’est arrivé de me demander si ma motivation à coordonner l’édition princeps - plus de 9.000 pages - des Journaux, Placards, Feuilles extraordinaires et discours de Marat, ne plongeait pas aussi dans la force de ce tableau. Ma curiosité et mon attention s’étant aiguisées au fil des années, j’avais pu constater dans les articles, notices, analyses que je lisais que Marat assassiné était pris en compte parmi les chefs-d’œuvre de la peinture. 

Le tableau est une œuvre faite à la requête de la Convention nationale de France en 1793, pour témoigner d’un fait grave : l’assassinat de Marat, alors député de la Nation. 
Mais ce député est aussi un publiciste, un journaliste très populaire, novateur et indépendant au niveau de la théorie politique et régulièrement récupéré par des faussaires qui se servent de ses titres, surtout celui d’Ami du Peuple, pour livrer des contre-attaques politiques. 

Tenez-vous bien, Marat vivra dans la clandestinité les deux-tiers de son temps pour éviter le pire. 
D’ailleurs, cette même Convention qui a commandé le tableau à David avait encore décrété Marat d’accusation en avril 1793 et l’avait traduit devant le tribunal criminel extraordinaire, ouvert au public. Mais, l’institution des jurés avait acquitté son Ami du Peuple ! 
Avant de commencer mon exposé, je crois encore utile de rappeler que le peintre David dédicace son œuvre personnellement à Marat. Sur le billot, il la signe «A Marat, David». Et quand il l’offre à la Convention, il dit devant toute l’Assemblée : «Je l’ai peint du cœur.»

JACQUES-LOUIS DAVID ?

Fils unique, il naît à Paris, le 30 août 1748, quai de la Mégisserie, où se regroupe la corporation des merciers et des quincaillers. Son père Maurice est mercier, sa mère, Marie-Geneviève Buron, appartient à une corporation de maîtres-maçons. 

David est donc de cinq ans le cadet de Jean-Paul Marat qui, lui, naît en 1743, à Boudry, dans la principauté de Neuchâtel en Suisse. Son père est d’origine sarde, sa mère, Louise Cabrol, est d’origine française, plus précisément de Castres dans le Tarn.

David sera d’abord mis en pension au couvent de Picpus jusque fin 1757, date à laquelle – il a neuf ans - son père de trente ans meurt, tué dans un duel. Sa maman se retire alors à Evreux, en Normandie, tandis que Jacques-Louis est pris en charge, à Paris, par un de ses oncles, François Buron, architecte qui l’inscrit au collège des Quatre-Nations, quai de Conti, siège de l’actuel Institut de France.
La famille envisage de faire embrasser à Jacques-Louis la carrière d’architecte. Mais pendant son année de rhétorique, il a suivi un cours public de dessin à l’Académie Saint-Luc et son oncle entend bien son désir d’être peintre et reconnaît ses dispositions. 
Il l’envoie alors auprès d’un parent, François Boucher (1703-1770), représentatif du style rococo. Fort malade, Boucher conseillera  plutôt l’atelier de Joseph-Marie Vien (1716-1809) dans l’Ecole de l’Académie. 
Le cursus de David sera logiquement influencé par l’esthétique de Vien qui prône le retour à la nature et à l’antique, une bonne connaissance de l’anatomie et insiste sur les principes de composition. 

Au niveau de la culture générale, Jacques-Louis est soutenu par Michel-Jean Sedaine, auteur de théâtre et secrétaire de l’Académie d’architecture et par Gabriel-François Doyen, peintre du comte d’Artois. Notons tout de suite que c’est ce même comte d’Artois qui, à partir de 1777, emploiera Marat comme son médecin personnel puis comme médecin de ses gardes du corps. 

En 1771, très motivé, David, qui a 23 ans, se lance, parmi deux cents élèves, dans le concours pour obtenir le premier prix de Rome. Thème : Le Combat de Mars et de Minerve lorsque Vénus vient au secours de son amant. Il obtient un second prix.
En 1772, il se représente. Thème : Diane et Apollon perçant de leurs flèches les enfants de Niobé. Encore un second prix. 
Ressentant ce verdict comme une injustice, alors que deux premiers prix ont été décernés, David déprime. C’est Gabriel Doyen, un des membres du jury, qui le convainc de se reprendre, en lui disant : «…quand on a fait un pareil tableau, on doit s’estimer plus heureux que ceux qui l’ont emporté sur vous… »  
Nouvel échec pourtant en 1773 avec une huile sur toile La Mort de Sénèque, jugée trop théâtrale. 

Heureusement, David a l’occasion de faire une pause. Suite à une mésentente, Jean-Honoré Fragonard (1732–1806) doit renoncer à transformer en théâtre l’hôtel particulier de la première danseuse de l’Opéra, Marie-Madeleine Guimard et c’est David qui est chargé d’achever le travail.

En 1774, il décroche enfin le grand prix de Rome. 
Sujet imposé, extrait de La Vie de Démétrius de Plutarque : Les Amours d'Antiochus et de Stratonice. 
Le sujet plus précis serait : Erasistrate découvrant la cause de la maladie d’Antiochus. Cette maladie du fils du roi de Syrie est due à l’amour qu’il porte à Stratonice, sa jeune belle-mère. Ce tableau, sobre, est centré sur un lit qui détermine la disposition en frise des personnages. Il porte aussi une idée nouvelle, celle de la jeunesse en butte aux diktats affectifs des anciens. 
Ce prix permet à David de séjourner plusieurs années à Rome, au Palais Mancini, résidence de l’Académie de France, dont Vien est devenu le directeur. Maître et élève parcourent l’Italie, passant par Turin, Parme, Bologne et Florence. 
David découvre la grandeur et la rigueur de l'antique. 
Dès son arrivée, il fait dessin sur dessin de la colonne Trajane : 30 m. de hauteur, 184 scènes, plus de 2.000 personnages. 
ll trace aussi des milliers de croquis comprenant des statues, des bas-reliefs, des sarcophages, des camées, des mendiants, des paysans, des objets de la Villa Médicis, du Capitole ou du palais Farnèse, d’anciennes ruines … 
En 1778,  il réalise une immense peinture à l’huile, Les Funérailles de Patrocle.

Le 1er août 1779, sans nouvelles de Paris et menacé de dépression, David part pour Naples. Il visite les ruines de Pompéi et d’Herculanum et parle «d’opération de la cataracte» pour tout ce qu’il découvre et qui élève sa compréhension du beau et du vrai.
De retour à Rome, il accepte, pour un prix d’élève, de réaliser un tableau pour le lazaret de Marseille. 


Ce Saint Roch intercédant auprès de la Vierge pour la guérison des pestiférés - à voir au Musée de Marseille - témoigne de l’évolution de David. Le peintre sépare dans l’espace les personnages sacrés et l’humanité souffrante. Un homme qui a eu la peste est devenu Saint Roch, avec un corps bien musclé. S’il supplie la Vierge, on note aussi qu’un de ses pieds repose solidairement sur la jambe d’un pauvre pestiféré, mis au bas du tableau. Le visage de la Vierge ne marque pas une profonde compassion et le petit Jésus, jouette, lui caresse le menton. L’ensemble ne plaide pas vraiment en faveur d’une symbiose entre les mondes terrestre et céleste, alors qu’explose le malheur des hommes. 
On peut dire que, dès ce moment, sans qu’il s’extraie des critères généraux de la peinture religieuse, David manifeste une certaine force de contestation. 



LE PARCOURS DE JEAN-PAUL MARAT

Jean-Paul Marat quitte sa famille en 1759, à l’âge de 16 ans. Il ne veut plus dépendre de ses parents et séjourne surtout en Grande-Bretagne, s’assumant seul, à Londres, en Irlande et en Ecosse. 
Il pratique la médecine comme son père et publie des livres qui sont diffusés et objets de recensions positives dans diverses revues anglaises.

En 1773, paraît à Londres A Philosophical Essay on Man, en deux volumes, où Marat revendique un point théorique très important à ses yeux: la réciprocité de l’action entre l’âme et le corps. Sous le titre De l’Homme, ce traité sera publié en français à Amsterdam en 1777, par l’éditeur de Jean-Jacques Rousseau, Marc-Michel Rey. 
François-Marie Arouet dit Voltaire (1694-1778) aura vent de ce texte et en écrira une critique assassine et, se faisant le champion des penseurs que Marat critique le plus : Locke, Condillac et Helvetius, il donnera le signal du conflit de Marat avec tout un clan des philosophes. 
En 1774, un ouvrage philosophico-politique, inspiré de Montesquieu et de Rousseau The Chains of Slavery est décisif pour comprendre les positions et l’action futures de Marat, centrées sur la conception que les hommes de pouvoir n’emploient pas seulement la violence pour asservir les peuples, mais toutes les ruses, séductions et manipulations possibles. Il témoigne déjà dans cet ouvrage du danger du «ministérialisme» qui commence à s’implanter en Angleterre.
En 1775 et 1776, après avoir obtenu son diplôme de médecin de l’Université St Andrews d’Ecosse - la même université qui avait reconnu Benjamin Franklin (1706-1790) comme docteur en droit - Marat fait paraître, toujours à Londres, deux essais médicaux, l’un sur une maladie des yeux, l’autre sur une maladie sexuellement transmissible. Avec une réputation établie, Marat s’installe ensuite comme médecin à Paris dans le faubourg Saint-Germain. 

Toujours mobilisé, en parallèle, par les questions de théorie sociale, il transmet pour un concours un Plan de législation criminelle.

Le 24 juin 1777, Marat devient le médecin des gardes du corps du comte d’Artois, frère de Louis XVI. Les années 1777-1778 sont centrées sur son activité médicale, pour le comte et en privé. 
On n’ignore plus aujourd’hui que la consultation médicale de l’époque ne comportait pas automatiquement l’auscultation. Il était de pratique courante de consulter à distance, par courriers, questions-réponses. A la différence de nombreux confrères, Marat recourt à l’entretien, au contact direct avec ses patients, agissant en clinicien, comme son père. 
Il obtient d’excellents résultats et est très sollicité. Mais, évidemment, il suscite des rivalités. 
Fin décembre 1777, il subit même une agression à Paris. Il est empêché de consulter une de ses patientes, Madame Courtin, et ce, par le comte de Zabielo qui, tout en reconnaissant que l’état de cette dame s’est amélioré, traite Marat de «charlatan» et le blesse. Marat déposera plainte au Châtelet. 

TRAJETS PARALLELES

Sans risque d’erreur, on peut relever dans les trajets des deux personnalités qui nous intéressent ici des préoccupations communes : une volonté de comprendre et de progresser - donc beaucoup de travail, de recherches et d’exigence – et une attitude autonome quand ils sont sûrs d’approcher de la vérité. D’autre part, ils se connaissent, fréquentant les mêmes quartiers et les mêmes milieux. 
Tous deux témoignent un intérêt pour les catégories sociales humbles et des thèmes sensibles : la mort, la maladie, la faim, l’oppression, la sexualité… Et ils veulent appréhender la complexité, la profondeur mais aussi la grandeur et la beauté qui peuvent imprégner la vie des humains. 
Chacun connaîtra des périodes difficiles mais aussi de fortes joies à faire valoir ces motivations profondes. Ils bénéficieront aussi d’intérêt et de soutiens. Ainsi Denis Diderot (1713-1784), leur aîné d’une quarantaine d’années qui travaille, en 1778, sur ses Eléments de physiologie et qui réfute le philosophe Helvetius s’intéresse à De l’Homme de Marat et est très impressionné par le Saint Roch de David. 

En 1778, Marat réduit ses consultations médicales privées pour approfondir ses recherches scientifiques. 
Cette décision ne remet pas en question son poste comme médecin pour le comte d’Artois mais il installe un laboratoire dans l’hôtel du marquis de l’Aubespine, rue de Grenelle et relance des expérimentations auxquelles il invite chercheurs et curieux. 
Ses Découvertes sur le Feu, l’Electricité et la Lumière seront bien accueillies par l’Académie des Sciences de Paris.

David, lui, avec son Saint Roch espérait l’agréation de l’Académie des Arts, mais Jean-Baptiste-Marie Pierre, le directeur, s’y oppose en vertu d’un règlement qui voudrait que les tableaux soient uniquement composés à Paris. 
Plusieurs artistes italiens essaient alors de convaincre David de rester à Rome. En vain. 

En juillet 1780, Vien lui enseigne une nouvelle technique, celle de la peinture dite «à l’encaustique», comme la pratiquaient les Anciens. Avec des touches précises et rapprochées, des couleurs moins éclatantes, surtout des gris, des ocres et des blancs, elle met en valeur chaque détail et subordonne les tableaux à ce que leur auteur désire exprimer de vérité historique. David est très, très intéressé. Et enfin, le 27 août 1781, il pourra annoncer à sa mère, toujours à Evreux, qu’il a été agréé comme membre de l’Académie grâce au tableau intitulé Bélisaire demandant l’aumône.
Autorisé à résider au Louvre, David, en plus d’un logement, dispose d’un grand studio pour des élèves de plus en plus nombreux, lesquels appelleront le lieu L’Atelier des Horaces. 

Du côté de Marat, les contacts avec l’Académie des Sciences de Paris sont par contre difficiles à partir de l’envoi de ses Nouvelles Découvertes sur la Lumière, où il s’autorise certains dépassements qui, à ses yeux, sont un hommage aux travaux d’Isaac Newton (1642-1727) qu’il admire et dont il fera une excellente traduction de l’Opticks, encore utilisée en 1989. 
Les démêlés l’opposent en particulier à Antoine Nicolas, marquis de Condorcet (1743-1794), secrétaire perpétuel de l’Académie. 
Par contre, Marat bénéficie de nouveaux soutiens comme celui de Benjamin Franklin (1706-1790), avec lequel il entretient une correspondance en anglais. Il a également l’appui de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832). Plusieurs de ses ouvrages scientifiques sont traduits en allemand. Enfin, des travaux, envoyés – sous l’anonymat -  jusqu’en 1786 pour des concours organisés dans des Académies de province, lui valent plusieurs prix.

Le 16 mai 1782, David (34 ans) épouse Marguerite-Charlotte Pécoul qui en a 17 et dont le père est entrepreneur au Louvre. David connaît bien la famille Pécoul, ayant fait ses études à Rome avec le frère de Charlotte. Les David auront 4 enfants, deux garçons en 1783 et 1784 et des jumelles en 1786.

En 1784, le tableau La Douleur et les regrets d'Andromaque sur le corps d'Hector affirme la place de David à l'Académie Royale de peinture. La même année, il retourne à Rome. Il veut exécuter in situ son Serment des Horaces. Cette œuvre de commande, une toile monumentale, sera reconnue comme un manifeste du néoclassicisme. 

En 1788, David perd son assistant, Germain Drouais, âgé de 25 ans. A nouveau menacé par la dépression, il s’éloigne de Paris. 
Juste avant la Révolution, il part séjourner en Flandre et à Bruxelles mais en 1789, il prendra, à Paris, la tête d’un mouvement de «régénération de l’Académie» dans l’espoir de marquer une transition décisive. En effet, cette Académie est bien trop hiérarchisée. Seuls lesdits «officiers» ont un droit de décision, les académiciens n’ont qu’une voix consultative, les agréés n’ont même pas le droit d’assister aux séances. Quant aux non agréés, ils ne peuvent jamais exposer au Salon d’automne. 

Toute la royauté française est dans l’impasse : crise des finances, crise de légitimité vis à vis des Parlements, misère croissante des populations, censure abusive… Le roi pense qu’une réunion des Etats-généraux – qui n’a plus eu lieu depuis 1614 - pourrait se révéler utile mais la façon de la convoquer l’embarrasse. Voulant à tout prix cadrer et limiter la place du Tiers-Etat, le roi interdit l’accès prévu à la salle des Menus-Plaisirs à Versailles, sous prétexte de réaliser d’abord des travaux de décoration. 
Informé de cette décision, le matin même du 20 juin 1788, le président encore provisoire de ce qui se veut une Assemblée constituante, Jean-Sylvain Bailly (1736-1793), feint d’ignorer l’interdiction et se présente devant la salle alors qu’un détachement de gardes-françaises en bloque l’accès. Dans la rue, la rumeur d’un coup d’Etat circule. 
Les députés cherchent un autre lieu pour poursuivre leurs travaux. Sur proposition du docteur et député Joseph Ignace Guillotin (1738-1814), ils investissent une salle privée voisine, la salle du Jeu de Paume. 
La foule est aux portes et les galeries autour de la salle sont envahies. 
Le député Jean-Joseph Mounier (1758-1806) a préparé un serment solennel dont le texte est lu par le président: 
«Nous jurons de ne jamais nous séparer de l’Assemblée nationale et de nous réunir partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides.» 
Le roi reporte la séance au 23 juin. Il laisse les députés du Tiers-Etat attendre dehors, sous une pluie battante, que le clergé et la noblesse aient pris place, puis il ordonne aux trois ordres de siéger séparément. 
Le Tiers-Etat refuse et le député d’Aix, Honoré-Gabriel Riquetti de Mirabeau (1749-1791) répond au maître des cérémonies : 
«Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple et que nous n’en sortirons que par la puissance des baïonnettes.» 
Un an plus tard, le député Edmond Louis Alexis Dubois de Crancé (1747-1814) présidera une société pour que cette scène si symbolique du Serment au Jeu de Paume soit commémorée. 
C’est à David qu’il demande de la représenter. Voici la réponse du peintre:
«O ma patrie ! O ma chère patrie, nous ne serons plus obligés d’aller chercher dans l’histoire des peuples anciens de quoi exercer nos pinceaux. Les sujets manquaient aux artistes, obligés de se répéter, et maintenant les artistes manqueraient aux sujets ? Non, l’histoire d’aucun peuple ne m’offre rien de si grand, de si sublime que ce Serment du Jeu de Paume que je dois peindre».

L’esquisse du tableau est un dessin à la plume et à l’encre brune avec, à certains endroits, de l’encre noire et des rehauts de blanc. Elle comporte 1.200 figures, tournées vers un personnage central, monté sur une table et qui lit le serment, la main droite levée. 
David a rempli trois carnets de centaines de croquis et de notes avec des questions sur l’identité des personnes, leurs tenues, leurs expressions, l’ambiance lourde ou enthousiaste, les dénis, les gestes de fraternité entre les groupes, dont celui du centre avec le prêtre Grégoire, le moine Dom Gerle et le pasteur protestant Rabaut Saint-Etienne. 
Le peintre veut montrer la réconciliation des hommes à travers les générations, les milieux sociaux et surtout lien avec la patrie naissante. 

En haut, à gauche, un rayon de lumière vient d'une fenêtre ouverte, par laquelle entre une bourrasque de vent. 
En haut, à droite, des spectateurs assistent à la scène. Marat écrit, face au mur.

Pour que cette esquisse devienne un tableau, une souscription est lancée mais elle ne rassemblera pas assez d’argent et le projet devra être interrompu. On comprend au fur et à mesure les vicissitudes successives que rencontrera ce Serment en raison des contradictions internes à la période révolutionnaire.  
A part ce Serment, David se sent globalement responsable du devenir des arts dans la Révolution et du devenir de la Révolution en fonction de ce que l’artiste peut lui apporter, et cela, malgré le fait que, dès août 1790, un désaccord se précise avec son épouse qui ne partage pas ses options et se retire dans un couvent.

L’année 1791 sera complexe. David fait partie des signataires, sur l’autel de la Patrie au Champ-de-Mars, de la pétition pour la déchéance du roi après la fuite de la famille royale, rattrapée à Varennes. 
Assez déprimé, il laisse inachevés des portraits, genre dans lequel, pourtant, il excelle. 
Puis, comme toujours, il se reprend et redéfinit ses orientations. 
Le 19 août 1791, il plaide à l’Assemblée avec enthousiasme pour la liberté d’expression de tout artiste, qu’il fasse ou non partie de l’Académie. Il va aussi consacrer beaucoup de temps à l’orchestration de Grandes Fêtes destinées au peuple, mettant à leur service les ressources de son talent pédagogique et son sens de la responsabilité civique, de l’union fraternelle, de la virtus… 
Pour lui, très bien structurées, ces imposantes réunions de citoyens font partie de l’instruction publique et, à feuilleter les archives de l’époque, on est impressionné de constater que, même dans les plus petites localités, le style de David fait autorité. Il ne se met pas au service de n’importe quelle manifestation car il a vite compris leur impact et leur détournement politique par les hommes de pouvoir. 
L’exemple de Fête que David coordonnera à part entière est La Fête de la liberté en l’honneur des Suisses du régiment de Châteauvieux, le 15 avril 1792. On peut considérer que c’est avec elle que David entre dans l’arène politique.
En août 1790 déjà, ce régiment, connu pour avoir refusé de tirer sur le peuple lors de la prise de la Bastille, avait été éloigné de la capitale et cantonné à Nancy. Maltraité par ses officiers mais appuyé par la population locale, il s’était rebellé. 
Une répression, commandée par Bouillé, beau-frère de La Fayette, s’était avérée particulièrement sévère. Le régiment avait été «septimé» : un soldat sur sept était tué, les autres, envoyés aux galères… 
L’Assemblée nationale avait appuyé cette punition et félicité Bouillé mais la colère de Paris, les réactions de la presse patriote, la chute de La Fayette avaient progressivement mené à une réhabilitation complète des Suisses. 
Le 24 mars 1792, une délégation, conduite par Jacques-Louis David, Marie-Joseph Chénier, Jean-Marie Collot d’Herbois, Jean-Lambert Tallien et Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt présente une pétition pour qu’une fête soit organisée en leur honneur. Elle se prépare dans une atmosphère survoltée avec David comme maître de cérémonie, ce qui lui vaudra des ruptures avec d’anciennes relations comme André Chénier, Madame de Genlis… 
Mais sa joie, liée à cette fête, le dédommage amplement.
En tête du défilé, quatre citoyens portent une Déclaration des droits de l'homme gravée sur deux tables de pierre. Au centre du cortège, les quarante et un soldats arrachés aux galères sont suivis de deux sarcophages commémorant le massacre. Puis vient un char de la Liberté à l'antique, tiré par vingt chevaux, couvert d'un tissu écarlate peint par David, représentant d'un côté Brutus et de l'autre Guillaume Tell. 
ET MARAT ?

il est impossible de résumer ici son action, liée à des milliers de numéros de ses journaux, surtout du plus connu, L’Ami du Peuple, à ses Placards affichés partout et à ses interventions orales… 
Les Journaux de Marat ont de nombreux abonnés dans toute la France. On les lit dans les cafés et sur les places publiques - l’analphabétisme est encore très répandu - et au début des séances des Cordeliers. Ils subiront, en conséquence, l’action d’imitateurs puis de faussaires à part entière.
Marat a été plusieurs fois décrété d’accusation pour des «dénonciations», mais jamais emprisonné grâce à l’appui populaire. 
Pendant certaines périodes, il est soutenu par Elisée Loustalot, Georges-Jacques Danton, Maximilien Robespierre, Elie Fréron, Jacques-Louis David, par diverses équipes travaillant pour l’édition de ses journaux et par sa femme, Simonne Evrard. 
Comme David, il traverse des moments de grande solitude, de désespoir.
Comme son père, il souffre d’une allergie inflammatoire mais qu’il sait soigner. 

Il a aussi de l’humour, plusieurs épisodes et interventions le confirment : son appui sur les clubs féminins au moment où les Jacobins s’égarent sur la question de la guerre, sa rencontre avec le général Dumouriez chez la danseuse Julie Talma où il se présente, habillé en sans-culotte…  

Marat sera menacé, rejeté mais aussi député à la Convention et président des Jacobins et, surtout, ses positions seront d’une grande cohérence: il défend inlassablement la séparation des pouvoirs - exécutif, législatif et judiciaire - et leur sévère contrôle. 
Pour lui, aucun comité ne doit avoir une longue durée de vie. Il dénonce sans arrêt la misère des populations, les manques de subsistances, la politique financière déplorable. Il est opposé à toute guerre de conquête et pour l’union permanente des citoyens avec les soldats patriotes. C’est surtout ce dernier point qui l’opposera à la faction girondine, qu’il appelle «faction des Hommes d’Etat», laquelle apporte un soubassement politique subtil au rôle, encore peu décodé, de sa jeune meurtrière, Marie-Anne-Charlotte de Corday d’Armont (1768-1793). Aussi motivée que lui, mais dans le sens girondin et le déni du peuple, son premier projet est de tuer Marat à la Convention mais, comme il est malade et absent, elle se rend chez lui et c’est Marat, lui-même, finalement, qui fera entrer la Mort. Il n’est peut-être pas inutile de relever que Corday porte les prénoms de deux de ses sœurs, Marie-Anne et Charlotte.

David et  Marat ont été élus députés à la Convention, l’un par la section du Museum, l’autre par celle du Théâtre français. 
David est immédiatement incorporé au comité d’instruction publique, lieu central de son action pour les deux années qui viennent.
Marat le classe souvent parmi les «excellents patriotes».
Tous deux votent «la condamnation du roi sans appel au peuple», ce qui provoque, pour David, une procédure de divorce avec son épouse. David et Marat se rencontrent régulièrement, comme députés de la Convention, et tous deux, un court moment, sont présidents des Jacobins.
Pour David, de nouveaux tableaux,  de nouvelles cérémonies sont à l’ordre du jour. 
Un aristocrate mais député montagnard, Louis-Michel Le Peletier de Saint Fargeau (1760-1793) a voté l’exécution de Louis XVI. 
Il est assassiné, à 33 ans, par un ancien garde du roi. 
David, chargé de sa cérémonie funèbre, peint le tableau Les Derniers moments de Michel Le Peletier.

Après les émeutes de février 1793, alors que Marat est à nouveau mis en accusation par les Girondins, David lui marque toute sa solidarité, exprimant qu’on traite à tort Marat de dénonciateur, alors qu’il a prévu les événements les plus graves: la fuite du roi, la trahison des généraux, les guerres… Il rappelle aussi que l’Ami du Peuple est très capable de demander le calme quand celui-ci est utile à l’unité de la nation, en particulier face aux «Exagérés» et aux «Enragés», menés par Jacques-René Hébert (1757-1794) et par Marc-Alexis-Guillaume Vadier (1736-1828).





Marat sera tout de même re-décrété d’accusation puis traduit devant le tribunal révolutionnaire, ouvert au public. 
Mais le Jury l’acquitte et le couvre de lauriers et la population le reconduit à la Convention. En triomphe, comme le rappelle le tableau de Louis-Léopold Boilly.




 
En juillet 1793, David est un des derniers à avoir vu Marat vivant. En effet, le 12 juillet, les Jacobins l’envoient avec Nicolas Sylvestre Maure pour s’enquérir de l’état de santé de l’Ami du Peuple qui subit un nouvel accès de sa maladie inflammatoire.
Aux Jacobins, David et Maure signaleront que les bains, dont Marat fait un usage fréquent, le soulagent de ses démangeaisons et que le journaliste se remet à la tâche, entouré par l’équipe du journal.

L’ASSASSINAT DE MARAT

Le logement où tout se déroule le 13 juillet 1793 est situé au n°30 de la rue des Cordeliers - aujourd'hui, n°22 rue de l'Ecole de Médecine. Il est loué au nom de la femme de Marat, Simonne Evrard. 
Situé au premier étage, il se compose de cinq pièces. L’équipe professionnelle qui entoure Marat comprend sa femme, Simonne Evrard, Catherine Evrard, la sœur de Simonne, le mari de celle-ci, Jean-Antoine Corne, imprimeur, Jeannette Maréchal, cuisinière, le citoyen Laurent Bas, qui aide au service du journal et trois femmes, employées comme plieuses.
Le samedi 13 juillet, vers onze heures et demie, un fiacre s'arrête devant la porte du 30, une jeune femme se présente et demande à transmettre au citoyen Marat des informations très intéressantes. Simonne Evrard répond que l'état du malade ne permet aucune visite. Charlotte Corday se retire. En soirée, Marat, qui rédige le journal du 14 juillet, reçoit une lettre: 
«Je viens de Caen. Votre amour pour la patrie doit vous faire désirer de connaître les complots qu'on y médite. J'attends votre réponse.» 
Dans l’impatience d’être reçue, Corday revient vers 20 heures. Cette fois c'est la citoyenne Pain, concierge de la maison et plieuse, qui la reçoit et réitère qu'il est impossible de rencontrer Marat. Une contestation s'élève, Marat entend du bruit, reconnaît qu'il s'agit de la personne qui vient de lui écrire et prie qu'on la laisse entrer. Il est dans son bain, recouvert d'un drap, Simonne est près de lui. Par discrétion, elle se retire dans le salon. Après un court moment de conversation sur Caen, Corday se lève et porte le coup de couteau fatal. «A moi, ma chère amie, à moi !» crie Marat. Simonne accourt et constate qu’il ne bouge plus. Elle appelle au secours. Le sang coule à flots de la profonde blessure. Simonne y porte la main pour l'arrêter. Inutile. Marat est mort. Le couteau a pénétré profondément sous la clavicule du côté droit. Le chirurgien qui verra Marat peu après constatera que le tronc des carotides a été ouvert.
Simonne voit la meurtrière qui se défend contre l'homme de peine et la cuisinière; elle se mêle à eux et, à trois, ils la maintiennent au sol. Sur la clameur publique qu'un meurtre vient d'être commis sur la personne du citoyen Marat, député à la Convention nationale, le commissaire de police de la section arrive rue des Cordeliers. L'antichambre est remplie de citoyens armés.
On tient la meurtrière par les poignets. Le commandant du poste voisin la fait passer dans le salon pour procéder à son interrogatoire. Le commissaire de la section envoie prévenir le comité de salut public, celui de sûreté générale de la Convention et le conseil de la commune. Plus tard, Charlotte Corday écrira à Charles Barbaroux qu'elle s'attendait à être «écharpée par cette bande de sauvages». 

Le 14 juillet 1793, le président de la Convention, Jean-Bon Saint André, dira d’une voix émue: 
«Citoyens, un grand crime a été commis sur la personne d'un représentant du peuple: Marat a été assassiné chez lui.» 
A cette annonce, le député François Elie Girault, porte-parole de la Section du Contrat Social s’adresse au peintre David: 
«Où es-tu, David ? Tu as transmis à la postérité l'image de Lepeletier mourant pour la patrie, il te reste encore un tableau à faire.» 
David répond: «Aussi le ferai-je.»
Il s’exprime à la Convention, le 15 juillet : 
«La veille de la mort de Marat, la Société des Jacobins nous envoya, Maure et moi, nous informer de ses nouvelles. Je le trouvai dans une attitude qui me frappa. Il avait auprès de lui un billot de bois sur lequel étaient placés de l'encre et du papier, et sa main, sortie de la baignoire, écrivait ses dernières pensées pour le salut du peuple. […] J'ai pensé qu'il serait intéressant de l'offrir dans l'attitude où je l'ai trouvé, écrivant pour le bonheur du peuple.»
David sera aussi désigné comme ordonnateur des funérailles de Marat. Le matin du 16 juillet, il explique son projet : 
«Sa sépulture aura la simplicité convenant à un républicain incorruptible, mort dans une honorable indigence. C'est du fond d'un souterrain qu'il désignait au peuple ses amis et ses ennemis; que mort il y retourne, et que sa vie nous serve d'exemple. Caton, Aristide, Socrate, Timoléon, Fabricius et Phocion, dont j'admire la respectable vie, je n'ai pas vécu avec vous, mais j'ai connu Marat, je l'ai admiré comme vous; la postérité lui rendra justice.»
C’est vers cinq heures du soir, que débute la cérémonie funèbre. La bière est déposée sur un lit de repos élevé sur des gradins, etlle est portée par douze hommes. La simplicité des ornements est, comme le dit David, «en lien avec l’honorable indigence de l'Ami du Peuple». Tout dispose au recueillement, à la douleur, au deuil. De jeunes filles vêtues de blanc et de jeunes garçons, portant à la main des branches de cyprès, environnent le corps. La Convention tout entière suit puis viennent les clubs et la foule. 
Le cortège chante des airs patriotiques; de cinq en cinq minutes, on tire le canon au Pont-Neuf. Selon les directives de David, l'inhumation se fait dans le jardin même des Cordeliers, sous ces arbres où, tant de fois, Marat avait concerté avec les patriotes les moyens de servir la liberté. Comme tombe, le sculpteur J.-F. Martin, a imaginé un tertre, simulant un entassement de rochers granitiques, symbole de l'inébranlable vigueur avec laquelle l'Ami du Peuple a soutenu les coups de la tempête contre-révolutionnaire, symbole aussi de l'inanité des efforts des ennemis de la liberté pour étouffer ses principes. Dans une ouverture pratiquée entre deux de ces blocs s'ouvre une sorte de souterrain qui rappelle que, pour échapper à la police, Marat a été obligé pendant des années, de se cacher de cave en cave. Au-dessus du bloc d'entrée de cette tombe est placée une urne funéraire contenant le cœur de Marat et sur le tertre s'élève une sorte de pyramide quadrangulaire surmontée d'une urne. 
Sur la pierre est gravée l’épitaphe : Ici repose Marat, l'Ami du peuple, assassiné par les ennemis du peuple, le 13 juillet 1793. 
Tout autour du monument s'élèvent des arbustes pleins de vie, susceptibles de grandir et de renaître d'eux-mêmes, comme les principes maratistes qu'ils symbolisent. Pendant toute la nuit, la foule, avec des flambeaux, se presse autour de la tombe. 

Le 14 novembre 1793, David offre à la Convention son tableau Marat assassiné. 
De novembre 1793 à février 1795, Les Derniers moments de Michel Le Peletier et Marat assassiné sont exposés dans la salle des séances de la Convention. En 1794, David est nommé président de la Convention, fonction qu'il occupera 16 jours (du 5 au 21 janvier – (du 16 nivôse au 2 pluviôse an II).
Le 8 juin 1794, il coordonne encore au Champ-de-Mars la Fête de l’Être Suprême, surtout conçue en opposition au mouvement hébertiste et à ses mesures de déchristianisation violente. 
Sur la question de la «constitution civile du clergé», David, comme Marat, avaient énoncé beaucoup de réticences. Ils voyaient que le haut clergé n’était jamais contraint de rendre au peuple les biens énormes qu’il détenait (terrains, finances…), alors que le petit clergé était mis à mal, sans jamais être remplacé par d’autres institutions pour ses fonctions envers les catégories démunies.

David, artiste de sensibilité révolutionnaire mais peu formé théoriquement, subira régulièrement les manigances des «hommes d’Etat». Il reste le seul ami de Robespierre au sein du comité de sûreté générale, dont la rivalité avec le comité de salut public est croissante. Quand arrive le 9 thermidor, David ne manque pas d’affirmer une dernière fois sa fidélité à Robespierre lors de la séance du 8. Son absence pour cause de maladie au soir du 9 thermidor lui sauve peut-être la vie, mais lui vaudra ultérieurement de nombreuses accusations de lâcheté. Voici comment David répond à la Convention, le 17 novembre 1794: 
«Je ne me suis jamais attaché aux hommes qu’à cause de l’ardeur que je leur ai supposée pour cette belle cause à laquelle je suis dévoué tout entier ; et si j’ai été trompé par eux, mon erreur est excusable puisque ce fut une erreur de l’opinion publique.
         Une fois Robespierre guillotiné, en juillet 1794, David, accusé de trahison, passe des mois en prison. 
Le 8 décembre 1794 (18 frimaire), une septantaine de Girondins sont réintégrés.


En février 1795, le principe de restitution au peintre des tableaux sur Le Peletier et Marat est acquis. David les conserve dans son atelier.
De 1795 à 1798, l’activité de David, plusieurs fois emprisonné, est mobilisée par la réalisation de L’enlèvement des Sabines, tableau où il veut symboliser les vertus de la concorde. Ce beau thème sera repris à de multiples reprises. On pense à Nicolas Poussin et à Pablo Picasso. Le tableau, présenté en 1799, plaide pour une réconciliation nationale, faisant écho aux évènements, à la répulsion pour la Terreur et les massacres. Au lendemain de cette présentation publique, David sera attaqué sur la question de la nudité de ses héros. Il se justifie dans une note où il revendique sa fidélité aux artistes de l'Antiquité. 
Au tournant du siècle, suivant le courant de l’opinion, l’intérêt de David se porterait vers Bonaparte en qui il verrait un arbitre pour l’unité française, sans mesurer l’option militaire et les volontés d’omnipotence. Mais nuancer est souvent nécessaire à la vérité. Ainsi, la relation avec Bonaparte ne relève pas de l’initiative de David. C’est Bonaparte qui, prévenu des attaques dont le peintre est l’objet de la part du parti royaliste, envoie son aide de camp pour lui proposer de venir se mettre sous sa protection dans son camp de Milan. David décline d’abord l’invitation. En 1801, il accepte de faire un portrait équestre de Bonaparte Le Passage du Grand-Saint-Bernard et puis de peindre le couronnement, mais c’est l’impératrice qu’il place au centre de l’attention et il n’exécutera que deux des quatre compositions commandées
Après la défaite puis l’abdication de Napoléon, la voie s’ouvre en France pour un retour décisif des Bourbons. Louis XVIII s’installe aux Tuileries fin avril 1815. 
En dépit de la proposition du ministre de la police Elie Decazes de soustraire David à la loi de janvier 1816 qui exclut les «régicides» de l'amnistie et les proscrit du royaume, David, fidèle à ses convictions, tient à s'y soumettre. Après avoir confié la gestion de son atelier de Paris à Antoine Gros à qui il demande de mettre à l’abri ses tableaux sur Le Peletier et Marat, il quitte définitivement la France, malgré les interventions de ses élèves, malgré les offres de pardon de Louis XVIII, malgré la proposition du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III qui désire faire de lui son ministre des Arts. 

Durant toute sa vie, David a dit et écrit qu’il refusait toute mesure d’exception, toute mesure particulière de clémence que son renom artistique pourrait lui valoir.
Il choisit de séjourner à Bruxelles en Belgique, où il arrive le 27 janvier 1816.
















Voici la maison, derrière le Théâtre de la Monnaie, où il a vécu jusqu’à sa mort en 1825, Toujours enthousiaste des œuvres des maîtres hollandais et flamands qui ravivent sa palette, David peint aussi, pour survivre avec son épouse revenue et ses enfants, des portraits d'exilés et de personnalités belges ainsi que plusieurs tableaux inspirés de la mythologie.  
Entre 1821 et 1824, il réalise sa dernière grande œuvre, Mars désarmé par Vénus et les Grâces qui est aussi visible aux Musées royaux des Beaux-Arts à Bruxelles.
Juste après son décès, le 29 décembre 1825, son petit-fils tente des démarches - contraires au vœu de son grand-père - pour un retour du corps en France mais le Premier ministre de Charles X répond en faisant savoir à toute la famille qu’il n’est pas question de rapatriement. 
Dès lors, et définitivement, la famille tout entière se prononce sans aucune hésitation pour le désir du peintre.

Un autre article abordera la situation complexe de «David à Bruxelles».